Avis de Georgia : "Les petits carnets de Leonard"
1807. Sur fond de guerre napoléonienne, Jacques Sudre nous entraîne dans des aventures mâtinées d'espionnage politique où l'histoire et l'art se mêlent agréablement servant de toile de fond au récit. Le héros se nomme Louis Marie de Sallanches qui fut «ingénieur géographe au service de l'Empereur » comme l'indique le sous-titre de ce roman . On méconnaît encore aujourd'hui le rôle des ingénieurs géographes de l'Empereur dont la tâche était essentielle et dangereuse puisque ces scientifiques furent mis en avant par Napoléon pour mesurer, analyser et évaluer les zones de retrait militaires. Il ne s'agissait plus seulement d'anticiper les zones d'implantation des peuples ou l'irrigation de terres.
On reconnaît chez l'auteur sa formation d'historien, nous livrant des anecdotes précieuses sur deux personnages qui se cachent derrière les rôles principaux. Monsieur de Talleyrand, diplomate français et Joseph Fouché, le sombre ministre de la police de Napoléon qui s'affrontent en coulisses. C'est sans doute de cette façon que l'on tire les ficelles, sans doute de cette manière que l'on élimine ses rivaux et l'espionnage a valeur de loi dans ce roman. Il y a une subtilité pour un écrivain spécialiste d'histoire à se faire précis, à dire ce qui n'a jamais été su, à implanter un environnement qui installe le héros dans sa réalité et son action.
Jacques Sudre plante le décor. Un salon d'artistes a lieu au Louvre en 1808 et Paris respire. La Révolution est bien morte et les sentiments se libèrent, la mode, aussi. L'écriture de Jacques Sudre nous permet de vivre ces événements comme des scènes où nous serions conviés. Apparaît alors Louis-Marie de Sallanches, Il est présent tout au long du récit, entraîné dans une enquête qui va le faire voyager de Paris en Italie, aux îles Borromée puis en Pologne où il rejoint l'Empereur dont il est l'aide de camp et son armée qui s'enlisent dans la boue et le froid.
Le roman tire sa légitimité romanesque et historique de la présence fantomatique et pourtant obsédante d'un des plus grands hommes que l'humanité a connue et qui a passé sa longue vie à créer en tant qu'artiste et à réfléchir sur les inventions qui pourraient changer les façons de faire la guerre. C'est là toute la saveur du livre qui balance sans cesse entre l'artistique et le militaire. Songeons-y. Comment pourrait-il en être autrement à une époque où l'Europe se déchire, séparée par les ambitions de chacun ? On notera que les anglais sont présents et menaçants, que les autrichiens complotent tout en espionnant la France.
Un jeune italien du nom de Pietro Longhi a dressé les plans d'une incroyable machine de guerre qui pourrait révolutionner l'art de se battre. Un tel engin de mort a aussi été créé et il est l'enjeu de la rivalité sanglante entre anglais et français, espions royalistes de Louis XVIII et agents de l'Empereur. Pietro assure les fonctions d'intendant auprès de la famille Bartoni, représentée par Camila et son frère Massimo Bartoni. Il est plus qu'un serviteur, il est leur ami le plus proche. Se fiant aux travaux et aux carnets secrets du grand Leonard de Vinci qu'il parvient à décrypter, le jeune homme devient une menace et sa trouvaille est pourchassée. Tous se se livrent un combat acharné, espions et enquêteurs.
Au bout du compte, bien sûr, Louis-Marie de Sallanches aidé d'un compagnon de bonne fortune, monsieur Grégoire qui lui est présenté par Eugène de Beauharnais à la Villa Stra, en Italie pour l'épauler, parviendra à faire la lumière sur toute cette ténébreuse affaire, comme aurait dit Honoré de Balzac. Mais l'histoire n'est pas close. Elle le sera lors de la bataille d' Eylau que pour des raisons évidentes de suspense, je me garderais bien de vous dévoiler.
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