Avis de Ernest : "De la crosse à la croix mais en passant par le coq et pas celui du clocher"
L’ouvrage est sous-titré L’ancien évêché de Bâle devient suisse (Congrès de Vienne-1815). Dans le Traité de Paris de 1814, la commune du Cerneux-Péquignot, peuplée de trois cent habitants, est détachée du Doubs pour le canton de Neuchâtel. C’est la seule information manquante dans une très remarquable carte proposée sur une double-page à la fin de l’ouvrage ; cette carte permet de comprendre l’évolution territoriale de la Suisse entre 1789 et 1815 non seulement dans ses limites (par exemple Mulhouse est dans la Confédération jusqu’en 1798 et des communes du Pays de Gex sont cédées au canton de Genève en 1814) mais également dans la composition de ses cantons.
Une autre carte page 11 fait comprendre la situation politique complexe des terres appartenant avant 1792 de l’évêché de Bâle, dans le sud le protestantisme est devenu dominant et les Traités de Westphalie ont reconnu cela. On a une douzaine de seigneuries différentes dans ce territoire épiscopal où d’ailleurs depuis la Réforme l’évêque de Bâle réside à Porrentruy. Si la majorité de la population est francophone, il y a une forte minorité alémanique concentrée au nord de cet espace. On apprécie beaucoup que nombre de textes soient dotés d’illustrations.
En deux étapes successives ces terres épiscopales sont occupées par les révolutionnaires français. Avec ce qui restait de la principauté de Montbéliard (largement grignotée par Louis XIV), cet espace constitue le département du Mont-Terrible puis est rattaché au département du Haut-Rhin.
Le département du Mont-Terrible formé en deux étapes
Le livre propose dix contributions, deux uniquement en langue allemande même si on a deux pages de résumé pour chacune d’elle, qui permettent de comprendre quels furent les acteurs suisses ou étrangers qui favorisèrent ou s’opposèrent à ce que, non compris les deux villes cédées au duché de Bade à l’époque napoléonienne, environ 95% de l’espace fut offert au canton de Berne, les 5% restant allant au canton de Bâle. Le travail des personnes suisses présentes au Congrès de Vienne fut parfois de s’opposer les une aux autres car plusieurs cantons aux désirs contradictoires étaient présents.
Conrad Frédéric d'Andlau était né à Arlesheim près de Bâle, d’une famille alsacienne d’une part et de l’évêché de Bâle d’un autre côté ; il avait servi comme officier sous Louis XVI ; il émigra en Pays de Bade. Son cousin, le prince de Metternich, lui confia l’administration de la Franche-Comté, du département des Vosges et de la principauté de Porrentruy (nouveau nom pour les anciennes possessions de l’évêque). Il assuma cette tâche durant toute l’année 1814 et jusqu’à fin août 1815. Il tenta en vain d’influencer le cours des choses, désirant aller vers la création d’un nouveau canton à partir des terres de l’ancien évêché. On lui prêtait aussi, d’après certains autres historiens que ceux présents dans cet ouvrage, l’intention de rattacher le Pays de Montbéliard à la Suisse, toutefois des notables montbéliardais seraient intervenus auprès du tsar pour que ce dernier s’y oppose.
Le tsar joua un rôle important, non seulement dans ce passage de terres jurassiennes catholiques vers le canton de Berne fer de lance (au sens propre) de la Réforme, mais également avec ce qui va de pair à savoir le maintien de cantons créés sous l’arbitrage de Napoléon en 1803. S’il est bien mis en valeur que le Suisse Frédéric-César de La Harpe fut son précepteur, je n’ai pas vu mention d’un autre élément qui faisait qu’il s’intéressait particulièrement au devenir de cet espace. Il s’agit de savoir que la mère d’Alexandre Ier était Sophie-Dorothée de Wurtemberg-Montbéliard. Le tsar veilla particulièrement à ce que la liberté de culte des catholiques jurassiens fut assurée sous leur nouvelle tutelle de Bernois réformés.
Un nombre non négligeable de signataires de pétitions pour la création d’un nouveau canton semble montrer que la majorité des gens intéressés par la question désiraient cela. On sait que l’accouchement du canton du Jura fut très laborieux et que même avec son récent agrandissement il ne couvre qu’à peu près la moitié des terres de l’ancien évêché (même en excluant les enclaves cédées aux Badois).
Pour connaisseurs Quelques illustrations