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Un homme d’œuvres: Ferdinand Hervé-Bazin

Un homme d’œuvres: Ferdinand Hervé-Bazin
Édilys 259 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Attention un Bazin peut en cacher un autre"

Ferdinand Hervé-Bazin est né en 1847, sous le nom de Ferdinand Hervé, et il a épousé Marie-Claire Bazin sœur aîné de René Bazin. Ferdinand Hervé-Bazin est le grand-père paternel d’Hervé Bazin.

Sous pseudonyme au départ, il a écrit quatre romans dont un est entré dans le patrimoine littéraire, à savoir Rouget le braco (à ne pas confondre avec le Raboliot de Maurice Genevoix). Pour composer ce récit, publié en 1882 dans le journal Le Petit Angevin qu’il dirige, il s’est inspiré de la vie d'un contemporain de son enfance Louis Rouget, ouvrier agricole, qui avait été arrêté en 1857 pour avoir blessé en 1854 deux gendarmes dans le Haut-Anjou alors qu’il braconnait. L’action de Rouget le braco se passe donc  sous le Second Empire, dans la partie du département du Maine-et-Loire proche de la Sarthe. Louis Rouget fut condamné au bagne, il meurt en 1858 à Cayenne. Daumeray (aujourd’hui Morannes- sur-Sarthe-Daumeray), petite ville d'environ 3 600 habitants, se veut la gardienne de sa mémoire.

Si les vies de René Bazin et d’Hervé Bazin sont bien connues, celle de Ferdinand Hervé-Bazin ne l’est guère. C’est René Bazin qui s’est chargé de le faire, ce qui certes n’est peut-être pas a priori un gage de recul historique mais a l’avantage de fournir nombre de faits précis. Ceci à double titre, d’abord parce que les deux hommes sont de la même famille et ensuite que René Bazin se complait dans le style hagiographique pour nombre de ses œuvres. Notons que l’auteur s’appuie sur des notes rédigées par Ferdinand Hervé-Bazin.

Le préfacier met en avant que Ferdinand Hervé-Bazin a écrit Les grandes journées de la chrétienté, un ouvrage récemment réédité par Édilys. C'est un récit qui met en exergue dix batailles (Pont Milvius, Tolbiac, Poitiers, Pavie, Jérusalem, Las Navas,  Grenade,  Lépante, Vienne,  Peterwardein) qui auraient permis de construire ou sauver l’Europe chrétienne.

Ferdinand Hervé-Bazin a passé son enfance à Brain-sur-l'Authion, commune à l’est d’Angers et assez proche de la Loire. Il est orphelin de père à neuf ans et de mère à dix-sept ans. Son grand-père paternel, empreint d’un fort caractère religieux, joue un rôle important auprès de lui.

Il entre au lycée d’Angers, ce qui permet à René Bazin de glisser de vagues piques contre ces établissements dotés (et il ne nous le cache pas) d’aumônier (et ceci jusqu’à aujourd’hui ajouterons-nous). La critique des résultats obtenus par ces lycées relève d’un a priori idéologique ; le niveau de compétences des professeurs du public (et surtout en lycée) était très largement supérieur aux enseignants du privé. Les deux publics d’élèves n’étaient d’ailleurs pas sociologiquement très différents. D’ailleurs on sourit en lisant qu’après avoir obtenu son baccalauréat littéraire, il passa à la pension, d’esprit catholique, dirigée par M.de Marquié dont tous les élèves suivaient les cours au lycée. Il y prépara là son baccalauréat scientifique.  

Illustration absente de l'ouvrage

Ceci n’enlève en rien que Ferdinand Hervé-Bazin pouvait se sentir malheureux dans un milieu aussi différent que celui où il avait grandi et qui le coupait de sa famille disons du vendredi soir au dimanche soir. Étudiant en droit à Paris, il se fit des amis qui eurent des carrières différentes ; on retiendra Georges Sicot habitant de Cholet qui fut manufacturier, le futur collègue de René Bazin à la Faculté catholique de l’Ouest et également écrivain Arthur Loir-Mongazon (qui avait aussi de la famille à Cholet où il était né en juillet 1848 préciserons-nous) et Eugène Lelong archiviste aux Archives nationales.  

Il fit logiquement ses débuts au barreau d’Angers à vingt-et-un ans et se maria en 1869 avec mademoiselle Marie-Claire-Élisabeth Bazin dont « la famille (…) était honorablement connue à Angers » et dont le père « joignait à la distinction de l’esprit une affabilité rare (…) il descendait de race vendéenne » (le terme de "race" ne surprenait pas alors dans ce contexte). On doit savoir que les ancêtres de l’épouse avaient été contre-révolutionnaires, il faut dire que l’arrière grand-père paternel de celle-ci était huissier auprès du grenier à sel de Vihiers. Comme les nombreux contrebandiers du sel (commerce très juteux vu la différence de 1 à 10 et même parfois de 1 à 30 entre le Poitou et l’Anjou), il s'est retrouvé privé d’emploi avec la disparition de la gabelle. Du côté maternel de l’épouse, on relève un François Chéron, journaliste royaliste et conseiller de Louis XVI le 10 août 1792, jour où Louis XVI quitte les Tuileries et où les gardes suisses, qui défendaient le château, se font malheureusement massacrés.

On verra par la suite dans quelles conditions, à la rentrée universitaire de 1875, est fondée l’Université catholique d’Angers, à l’initiative de Mgr Frappel, et comment Ferdinand Hervé-Bazin en devient un de ses professeurs. Une note, expliquant qu’un sou était l’équivalent de 5 centimes, aurait permis de comprendre que Ferdinand Hervé-Bazin propose en 1881 un journal légitimiste Le Petit Angevin trois fois moins cher que l’organe royaliste déjà existant, à savoir L’Étoile. On apprend que notre personnage compose en particulier Les mémoires et les récits de François Chéron et qu’il est à l’origine de la publication du programme du comte de Chambord à un moment où une restauration d’un souverain était envisageable. Peu de mois après, Ferdinand Hervé-Bazin se rend à Göritz, lieu d’exil du comte de Chambord.

D’après ce qu’on croit comprendre notre personnage avait un profil trop social (étant proche de certaines idées du marquis de La Tour du Pin et du comte de Mun) pour être sélectionné sur la liste monarchiste du Maine-et-Loire en 1885. Le résultat, avec un vote où une liste dépassant la moitié des suffrages au premier tour se voyait attribuée tous les sièges, se traduit par un carton plein pour les royalistes. Ceci empêcha l’élection en particulier du maire de Cholet Marie-Baudry et d’Allain-Targé (qui toutefois est réélu dans la Seine), ajouterons-nous.

On suit encore pendant quatre ans, jusqu’à sa mort, les actions de Ferdinand Hervé-Bazin. Comment aurait-il réagi en 1893 face à l’encyclique Au milieu des sollicitudes de Léon XIII qui exhorte les catholiques français à s'unir dans l’acceptation de la République ? Il se serait peut-être rappelé à ce moment l'année 1885... Nul doute que notre personnage aurait entraîné la représentation politique du catholicisme en Anjou sur des voies, que beaucoup jugeront  bien plus honorables, que celles choisies par Jules Delahaye, député de Cholet de 1906 à 1919 et même ultérieurement sénateur du département.

Cette biographie est précieuse pour qui s'intéresse à l'histoire de l'Anjou au XIXe siècle et au christianisme social : elle invite beaucoup à lire les livres et les articles de Ferdinand Hervé-Bazin où il exprime ses idées politiques. Mais on commencera évidemment, si on a rien lu de lui, par son palpitant roman Rouget le braco.

Pour connaisseurs Aucune illustration

Octave

Note globale :

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