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Les Oberlé

Les Oberlé
Marivole237 pages
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Avis de Octave : "Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, foi de Chouan !"

René Bazin est né à Angers et il est un des premiers enseignants de la Faculté de droit de la nouvelle université catholique d’Angers fondée à l’initiative de Monseigneur Freppel, évêque de la capitale de l’Anjou, et par ailleurs député du Finistère de 1880 à 1891 (date de sa mort). Le 15 décembre 1883, lors de la demande de crédits pour assurer la conquête du Tonkin, l’évêque d’Angers déclara qu’il les voterait parce que « les divergences politiques doivent s’effacer devant l’intérêt national, et que, quand le drapeau est engagé, personne n’a plus à se demander quelles sont les mains qui le tiennent ».

René Bazin habite Saint-Barthélémy-d’Anjou, dont il est conseiller municipal un certain temps, et Jean Bruchési en 1941 rappelle que dans la maison qu’il avait dans cette commune, ce descendant de fermier général l’invita à regarder un beau portrait du duc d’Orléans. Il lui déclara alors :

« Je suis royaliste depuis toujours. (…) Regardez cette tête ! Quelle différence avec toutes les têtes qui nous gouvernent aujourd’hui ! »

Sensibilisé au problème de l’Alsace-Lorraine par Mgr Freppel, originaire d’Obernai, René Bazin est invité en Alsace par Ferdinand de Dartein et Pierre Bucher en 1899. Joseph Harlan Leighton, dans sa thèse René Bazin et l’Alsace en 1953, et Gisèle Loth (biographe du docteur Bucher) ont montré combien certaines scènes des Oberlé reprenaient très fidèlement des propositions du médecin strasbourgeois.

Ce roman paraît en 1901 et décrit une Alsace globalement rétive à la présence allemande. Il est à noter qu’en 1926 René Bazin donne Baltus le Lorrain, que la presse catholique présente comme « un roman social montrant admirablement les ravages causés en Moselle par la menace de lois antireligieuses». Dans ces deux ouvrages, on retrouve la même foi du charbonnier envers la grandeur de la civilisation française. Voici par ailleurs une France « où les âmes ont des nuances infinies, un pays qui a le charme d’une femme qu’on aime, quelque chose comme une Alsace encore plus belle ! ». En Allemagne on a des hobereaux et en France des gentilshommes :

« Féodal plutôt, ma chère, c’est leur noblesse… Ils n’ont pas eu le temps d’avoir celle d’après… Peu importe, d’ailleurs. Je ne suis pas d’humeur à discuter… »

Le roman fait une large place à deux sensibilités alsaciennes. Il valorise les tenants de la patrie française, à savoir le héros (petit-fils d’un député protestataire), qui, refusant d’endosser l’uniforme allemand, déserte en passant la ligne bleue des Vosges ; ce personnage est solidaire de sa mère et de son oncle (ancien combattant de 1870 dans les armées françaises). Il présente le père et la sœur du héros prête à épouser au sens propre et au sens figuré la cause du Reich, pour des intérêts matériels, l’un étant industriel et l’autre montrant le désir de se marier avec un officier allemand déclarant :

« Je me suis promis de n’épouser qu’un homme très riche. Je ne veux pas avoir peur pour mon lendemain. Je veux être sûre, et dominer (…) »

Enfin, René Bazin donne la parole aux tenants de réformes qui feraient de l’Alsace-Lorraine une région avec les mêmes droits que les autres entités qui composent l’Empire allemand.

« Nous autres, Alsaciens de la génération nouvelle, nous avons constaté, au contact de trois cent mille Allemands, la différence de notre culture française avec l’autre. Nous préférons la nôtre, c’est bien permis ? En échange de la loyauté que nous avons témoignée à l’Allemagne, de l’impôt que nous payons, du service militaire que nous faisons, notre prétention est de demeurer Alsaciens, et c’est ce que vous vous obstinez à ne pas comprendre. Nous demandons à ne pas être soumis à des lois d’exception, à cette sorte d’état de siège, qui dure depuis trente ans ; nous demandons à ne pas être traités et administrés comme « pays d’empire », à la manière du Cameroun, du Togoland, de la Nouvelle-Guinée, de l’archipel Bismarck ou des îles de la Providence, mais comme une province européenne de l’Empire allemand. Nous ne serons satisfaits que le jour où nous serons chez nous, ici, Alsaciens en Alsace, comme les Bavarois sont Bavarois en Bavière, tandis que nous sommes encore des vaincus sous le bon plaisir d’un maître. Voilà ma demande ! »

Comme aurait pu le dire Foch, dans cette alternative est absente la troisième perspective, celle d’une Alsace-Lorraine état-tampon entre deux grands pays. L’autre grande figure littéraire, qui travaille à maintenir dans l’esprit des Français l’idée discutable du désir quasi unanime des Alsaciens-Lorrains de revenir au sein du peuple français, est Maurice Barrès. Ce Vosgien est l’auteur d’Au service de l’Allemagne et de Colette Baudoche, publiés respectivement en 1905 et 1909. Un pas derrière, à leurs côtés, il faudrait citer Édouard Schuré, Paul Acker et André Lichtenberger. D’autre part, à la fin de la Belle Époque, les Alsaciens résidents en Alsace aux sentiments francophiles développent des activités éditoriales dont on pourra mesurer l’ampleur dans L’Alsace au temps du Reichsland, certaines productions comme celles de Hansi sont largement connues dans l’Hexagone.

Octave

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