Avis de Octave : "Les canailles !"
Dans une des papiers publiés durant la guerre le dimanche 9 mai 1915 dans L’Écho de Paris en première page en haut à droite, on trouve un texte de René Bazin intitulé "La grande lettre" dont l’action se déroule à Saint-Saulge au nord-est de Nevers. Cette nouvelle est à retrouver dans Récits du temps de la guerre, un ouvrage réédité par Édilys, avec une préface du général Jacques Richou président de l’Association des Amis de René Bazin.
Le Nivernais est, quoique loin derrière l’Alsace, le Bas-Poitou (que l’auteur désigne plutôt par le terme de Vendée) et l’Anjou une des provinces qu’affectionne René Bazin et il décrit génialement les paysages du Morvan.
Un roman de notre auteur Le blé qui lève, paru d’abord en feuilleton dans la Revue des Deux-Mondes puis sous forme livresque en 1907, se déroule autour de 1906 dans le Nivernais et plus précisément autour de Corbigny, commune assez proche de Saint-Saulge. René Bazin séjourne dans un rendez-vous de chasse situé sur la commune de La Machine lors de l'écriture de ce roman. Le bâtiment en question, le Pavillon des bois, est à cette époque la propriété de la société Schneider et Cie, connue pour ses forges au Creusot, elle possède entre autre la mine située dans ce village.
Bien que la théorie des climats soient abandonnée au cours du XIXe siècle par les géographes, on trouve encore sous la Belle Époque dans les manuels ou ouvrages vulgarisateurs en géographie, des remarques sur les tempéraments des populations locales. Ce n’est pas un hasard si on trouve les gens du pays valorisés comme ici :
« Il était nivernais, du pays où les volontés sont fortes, violentes même, mais où le visage est froid et la langue souvent muette ». (page 35)
Voici l’incipit :
« Le soleil déclinait. Le vent d’est mouillait la crête des mottes, activait la moisissure des feuilles tombées, et couvrait les troncs d’arbres, les baliveaux, les herbes sans jeunesse et molles depuis l’automne, d’un vernis résistant comme celui que les marées soufflent sur les falaises. La mer était loin cependant, et le vent venait d’ailleurs. Il avait traversé les forêts du Morvan, pays de fontaines où il s’était trempé, celles de Montsauche et de Montreuillon, plus près encore celle de Blin ; il courait vers d’autres massifs de l’immense réserve qu’est la Nièvre, vers la grande forêt de Tronçay, les bois de Crux-la-Ville et ceux de Saint-Franchy. L’atmosphère semblait pure, mais dans tous les lointains, au-dessus des taillis, à la lisière des coupes, dans le creux des sentiers, quelque chose de bleu dormait, comme une fumée. » (page 3)
"Le blé qui lève" sert ici à désigner la jeunesse qui se fait une place dans la société. Le discours est marqué par un fort a priori à l’encontre des idées syndicalistes révolutionnaires et socialistes et lorsque Michel le fils du propriétaire du domaine et son père entendent les bûcherons en grève chanter L’Internationale, ceux-ci échangent ainsi :
« - Les canailles ! dit le général. Peut-on chanter ces horreurs-là !
- Ils sont ivres.
- C’est un vice de plus.
- De la haine qu’on leur a versée à pleine bouteille. Mais combien n’ont vu d’abord que l’étiquette ! Elle était belle.
- Tu trouves ? Le meurtre des officiers ?
- Non, la fraternité ». (page 15)
En fait Michel est un être sensible et il est affolé devant le fait que son père détruit ses bois pour satisfaire aux désirs de son épouse de vivre dans la capitale et sur un grand pied.
L’auteur n’hésite pas à monter combien les campagnes nivernaises sont déjà déchristianisées, ceci est d’ailleurs mis par les historiens sur le compte de Fouché et du Nivernais Pierre-Gaspard Chaumette (un hébertiste) sous Vendémiaire de l’an II.
Écoutons le curé de ce récit, en poste depuis six mois dans la paroisse :
« Je parlerai au premier de mes paroissiens que je rencontrerai. Je voudrais tant les connaître ! Mais nous n’avons aucun lien, si ce n’est l’église où ils ne viennent plus ! » (page 131)
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