Avis de Adam Craponne : "Vendéens maraîchins à l'avenir dans le crachin"
René Bazin est né à Angers en 1853 et mort à Paris en 1932, il est le père de Nicolas René Bazin, maire de Treize-Septiers (une commune du bocage vendéen) de 1919 à 1940 et l’oncle d’Hervé Bazin, l’auteur de "Vipère au poing". Dans "La Terre qui meurt", publié en 1898 pointe déjà les dangers d’un exode rural qui s’intensifiera dans l’Entre-deux-guerres et se poursuivra sous les Trente glorieuses. Il le fait paradoxalement pour un département la Vendée qui en souffrit moins que les autres puisque la population s’est maintenue ou a augmenté dans la plupart des communes de Vendée, si on compare les chiffres de 1900 et de ceux d’un siècle plus tard.
L’action se déroule près de Sallertaine dans le marais breton, appelé ainsi car le Poitou avait deux marais un au sud aux limites de l’Aunis et de la Saintonge dénommé le Marais poitevin et un au nord aux limites de la Bretagne. Dans l’Entre-deux-guerres Jean Yole reprendra ce cadre de vie pour ses propres romans. Par contre il faut se tourner vers Ernest Pérochon, avec par exemple "Les gardiennes" pour trouver des fictions se déroulant dans le Marais poitevin. On notera que la yole est une barque adaptée à la circulation dans le marais, les personnages de "La Terre qui meurt" en font usage et le médecin Léopold Robert l’a paris pour inspirer son pseudonyme.
L’ouvrage commence par :
« "Vas-tu te taire, Bas-Rouge! tu reconnais donc pas les gens d'ici?"
Le chien, un bâtard de vingt races mêlées, au poil gris floconneux qui s’achevait en mèches fauves sur le devant des pattes, cessa d’aboyer à la barrière »
Cette page permet de savoir que le grand propriétaire est absent, résidant à Paris depuis huit ans.
Mais le métayer Toussaint Lumineau, un veuf descendant d’un insurgé de 1793, constate avec détresse qu'aucun de ses enfants ne lui succédera ; pas même sa jeune fille Roussille, puisqu'elle fréquente " un failli gars du Bocage". André de retour de ses années comme militaire en Algérie, se sent incapable de se contenter d’une vie au Marais, il partira en Amérique, l’âme en berne. Mathurin, le fils aîné, s’est retrouvé infirme à la suite d’une imprudence en conduisant une voiture à cheval, il ne pourra pas reprendre la ferme et François préfère entrer aux Chemins de fer car il a pris des habitudes nouvelles lors de son service militaire.
« Il considérait de loin sa Fromentière. Entre les troncs des ormes, à plusieurs centaines de mètres au sud, le rose lavé des tuiles s’encadrait en émaux irréguliers. Le vent apportait le mugissement du bétail qui rentrait, l’odeur des étables, celle de la camomille et des fenouils qui foisonnaient dans l’aire. Toute l’image de sa ferme se levait pour moins que cela dans l’âme du métayer ».
Moments de violences et de générosité alternent pour offrir un récit qui porte une dramatisation qui concerne non seulement des individus mais deux classes sociales (celle des métayers et celles des hobereaux du centre-ouest. Par ailleurs on voit combien le passage de plusieurs années comme soldat, peut modifier les mentalités de ruraux et ceci bien plus que l’école catholique qu’on ne fréquente guère que de la Toussaint à Pâques de deux à trois ans quand on est scolarisé (ce qui n’est pas le cas de tous les enfants). Le vieux fermier est peu à peu abandonné par la plupart des siens mais il va trouver à ses côtés quelqu’un qu’il n’attendait pas.
« Quelques nuages glissaient vers l’Occident, arrière-garde d’une nappe plus étendue qui s’enfonçait au dessous de l’horizon. Ils formaient des îles transparentes, que séparaient des abîmes d’un bleu profond et plein d’étoiles. Le vent les poussait d’un même mouvement, vers les côtes prochaines. Avec la lenteur d’un vaisseau chargé, il emportait, vers la mer vivante, le baiser de la vie terrestre, le parfum et le tressaillement des végétations, les graines envolées, les germes mêlés de poussière qui tombaient ça et là en pluie mystérieuse, le cri d’innombrables bêtes qui n’ont guère d’autre témoin que lui et qui chantent dans les forêts de l’herbe ».
La Terre qui meurt est le titre d’un film muet français réalisé par Jean Choux en 1926, d’un film parlant sorti en 1936 réalisé par Jean Vallée et enfin d’un téléfilm diffusé en 1965. Tous les trois, tous sont adaptés du roman éponyme de René Bazin.
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