Avis de Alexandre : "C’était la tête coupée, dégoulinante de sang (…)"
Ömer Seyfettin a inauguré le genre des nouvelles dans la langue turque et il en a écrit environ cent-cinquante. Il a œuvré pour la création de mots turcs sans racine arabe ou persane afin de faire du turc une langue littéraire alors qu’à son époque elle n’était qu’un outil oral ; l’écrit se faisait dans la langue de la cour à savoir l’ottoman qui était un hybride. Militaire, il a été fait prisonnier durant la Première Guerre balkanique, ce qui lui a valu un séjour de dix mois en Grèce près d’Athènes ; cependant durant la Première Guerre mondiale, il ne fut pas mobilisé. Il resta à Istanbul comme professeur de littérature turque dans l’équivalent d’un lycée. Il est né au bord de la Mer de Marmara en 1884 et est décédé, du fait du diabète, en 1920 à Istanbul. Francophone, il a émis des réflexions pour rendre plus performant l’enseignement du français langue étrangère dans son livre Lettres à un amateur de littérature.
L’ouvrage Lâlé la blanche : nouvelles propose dix-huit nouvelles de tailles et motifs variés. On vit à travers l’ensemble de ces textes, l'effondrement d'un empire ; on revient sur les événements bouleversants qui frappent les populations civiles turques du fait de la défaite de la Turquie face à l’ensemble des pays balkaniques et l’Italie en 1912. On comprend même si l'expression n'est pas employée, qu'un certain "nettoyage ethnique", dont sont victimes les Turcs, existe en Macédoine en 1912 et 1913.
Si toutes les nouvelles n’ont pas un rapport avec les Guerres balkaniques, l’agression italienne en Libye et l’expédition franco-anglaise aux Dardanelles, elles portent toutes sur des drames de la vie. Même lorsqu’il n’y a pas des morts ou des violences physiques, il y a des contraintes psychologiques. Les femmes subissent une variété certaine de chocs. Des Bulgares sont présentés comme très impitoyables tant entre eux qu’envers les Turcs ; en ce début de XXe siècle, la Bulgarie était d’ailleurs présentée comme la Prusse des Balkans. Un texte jette un regard un peu ironique sur la façon dont Loti dépeignait "sa Turquie".
Deux nouvelles évoquent, pour la tragique année 1912, le choix de la dimension turque chez un enfant né d’un père sujet ottoman et d’une mère italienne. L’auteur avait prévu de développer le thème de l’enfant-héros autour de ce personnage, dans un roman, la mort prématurée d’Ömer Seyfettin n’a pas permis la réalisation de cet objectif. On note la présence d’un glossaire qui permet de mieux apprécier certaines dimensions culturelles ; on a également une chronologie autour des principaux évènements qui se déroulent dans le dernier siècle du califat ottoman.
Pour tous publics Peu d'illustrations