Avis de Octave : "Trois guerres pour une troisième longue à passer"
Bien comprendre les caractéristiques de la Troisième République, c’est mieux comprendre pourquoi et comment les poilus ont tenu et ont parfois mené des mutineries. Voilà trois coordinateurs d’un bel ouvrage qui ont demandé à vingt-sept universitaires de nous dresser un tableau nuancé des caractéristiques réelles (et non idéales) de fonctionnement d’une institution, d’un principe, d’un modèle social, d’un objectif précis. Approcher cela c’est aussi percevoir comment ce système politique s’installe, perdure et s’effondre à travers trois conflits. Celui de 1870 est cause de sa naissance, 1914-1918 la preuve de son efficacité (le contrôle parlementaire sur l’armée a été plus efficace que la subordination des décisions des civils au bon vouloir des militaires en Allemagne) et 1940 la raison de son effondrement.
Si ce livre nous donne une vision d’ensemble, chaque point traité est indépendant l’un de l’autre.Aussi on peut aborder sa lecture en commençant par le point numéro un où sous le titre « La plus longue des républiques » Nicolas Rousselier nous fournit un cadre général. Le lecteur habituel du contenu de ce site ira spontanément d’abord vers le chapitre « Les formes de régulation sociale » où il ira voir un article sur l’armée, un sur le patriotisme, un sur l’ordre républicain et un dernier sur le droit constitutionnel. Odile Roynette pose la question « L’armée, une institution républicaine?». Pour avoir eu un grand-oncle qui servit dans la cavalerie à la fin de la Belle Époque et savoir que jusqu’à la fin de sa vie, il collait les timbres de bas en haut car « il se foutait de la République » et avoir lu entre autre combien après avoir fait leur service dans cette arme, partis plutôt républicains en revinrent monarchistes (comme le journaliste poitevin Mineau), selon nous la réponse devait à être nuancée.
C’est la volonté de faire confondre attachement à la patrie et attachement à la République qui fit qu’ «en août 1914, la suspension des discordes civiles et l’acceptation du devoir de défense s’imposent parce que la République et la nation sont confondues en une même entité, sacralisée part le danger » (page 99). Odile Roynette poursuit en citant les chiffres donnés par Philippe Boulanger qui pointe moins de 1% d’insoumission durant la Grande Guerre à l’exception de l’année 1915 où on atteint 2, 39%. Les autres chapitres sont : les pratiques du pouvoir (avec un article très intéressant intitulé « La République et vivifiée par la vertu de ses hommes politiques » qui montre comment la corruption combattue par la plupart des républicains passe pour un des vices de leur régime), la dynamique des exclusions (qui pose notamment la question des aspects dits « positifs » de la colonisation), l’élaboration de la légitimité de ce régime, la fabrique des normes (avec en particulier la question de la morale laïque face à d’autres morales), les processus d’adhésion à la République de diverses classes sociales (dont les paysans qui composent l’immense masse des poilus). Bref des arguments pour le lecteur afin de pouvoir se faire une idée de ce qui tient de la légende dorée et du tableau noir afin de trier ce qu’une telle société montre qui peut nous aider à surmonter nos difficultés présentes.
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