Avis de Adam Craponne : "Le flambeau de l’Évangile doit faire le tour du monde (Fénelon)"
On sait que de très nombreux Poitevins partirent pour le Canada au XVIIe siècle souvent à partir du port de La Rochelle et parfois depuis une ville bretonne (voir à ce propos le bel ouvrage L’Épopée: La traversée en Acadie). Jacqueline a tenté d’évaluer l’importance numérique de l’apport des natifs du département de Vendée dans l’immigration de l’ensemble des provinces canadienne pour une époque bien ultérieure.
Si vingt congrégations religieuses françaises ont envoyé une population non négligeable de missionnaires au Canada (mais aussi en Belgique)à la Belle Époque (1896-1914) c’est que c'est une période de fort anticléricalisme qui voit l’Église catholique perdre un certain nombre d’avantages économiques dans la société française. Dans l’enseignement par exemple les frères et les sœurs ont le choix entre se laïciser ou renoncer à leur emploi. D’autre part, nombre de penseurs catholiques voient dans les Canadiens français un peuple qui a su maintenir dans les multiples difficultés ses caractéristiques catholiques alors que les chrétiens français n’ont pas su résister à une vague de laïcisation de la société.
L’ouvrage démarre par une brève histoire de la colonisation française du Canada, de la lente mainmise par l’Angleterre des régions peuplées par des francophones entre 1713 et 1763 puis des évènements qui marquent la période ultérieure jusqu’en 1926, date où l’émancipation des dominions est confirmée (toutefois Terre-Neuve et le Labrador sont en dehors de la fédération canadienne). Le père Aulneau de La Touche est un jésuite né en 1705 aux Moutiers-sur-le-Lay et décédé le 08 juin 1736 à L'Île du Lac des Bois ; il meurt à trente-et-un ans massacré par les Sioux. À travers sa correspondance, on découvre des remarques sur les peuplades autochtones qu’il rencontre.
Le deuxième chapitre évoque la politique d’immigration de la Confédération canadienne entre 1867 (date de la création de ce dominion) et 1906. On colonise progressivement l’ouest ce qui donne naissance à de nouvelles provinces. Auguste Bodard est un journaliste français qui est l’agent officieux puis officiel du Québec pour promouvoir l’immigration des ruraux et ouvriers qualifiés de l’hexagone, de la Suisse romande et de Belgique vers l’ensemble du Canada. Il séjourne trois fois en Vendée entre 1893 et 1900. Auguste Bodard fait imprimer brochures et prospectus en plusieurs milliers ; il organise également des conférences qu’il anime ou confie la responsabilité à des ecclésiastiques. Par ailleurs des Vendéens arrivés aux USA sont invités, parfois avec succès, à se diriger vers le Canada ; c’est le cas en particulier de deux Vendéens de Californie qui sont convaincus par l’abbé Morin (missionnaire en Alberta).
Le troisième chapitre évoque les relations entre la France et le Canada pour la période étudiée. Et en particulier les interdictions prises par les gouvernements français de la propagande d’immigration au Canada. Ceci est dû aux échecs d’adaptation de certains immigrés français dans ce pays et également la forte baisse de la natalité dans l’hexagone. En 1913 l’écrivain angevin René Bazin, dont un des fils est maire de la commune vendéenne des Treize-Septiers dans toute l’Entre-deux-guerres, publie Nord-Sud, Amérique, Angleterre, Corse, Spitzberg, notes de voyage où il pointe les traces historiques de la présence française en Amérique du Nord. Rajoutons que cette même année, il avait publié Douce France où deux chapitres traitent du Canada.
Le chapitre suivant informe, en particulier de façon statistique, du nombre de religieux (153 en l’occurrence) et de laïcs (224) qui sont partis de Vendée vers le Canada entre 1880 et 1914. Pour les premiers, on ne sera pas surpris de voir la moitié nord du département largement surreprésentée ; rappelons que c’est cette zone qui voit ses populations rejoindre en grand nombre la rébellion vendéenne sous la Révolution (ce mouvement contre-révolutionnaire qui touche également le nord des Deux-Sèvres, le sud du Maine-et-Loire et la partie méridionale de la Loire-inférieure). Il est rappelé que pour cette époque les civils vendéens émigrent en nombre bien plus conséquent vers le Sud-ouest de la France. Le cinquième chapitre permet d’approcher les conditions générales de vie de vie de nos émigrants du Bas-Poitou. Sans citer de chiffres, ce qui permet de laisser croire en une belle unanimité, ce chapitre se clôt sur l’engagement (la conscription est tardive au Canada) de ces natifs de Vendée dans l’armée canadienne en août 1914.
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à recenser les congrégations religieuses qui envoyèrent des missionnaires dans le pays et à nous dresser de façon conséquente le portrait de ces derniers. On relève, pour faire écho à ce qui est dit dans le chapitre précédent, la présence en particulier de Pierre Richard, prêtre à Montréal de 1898 à 1932, avec une interruption volontaire pour la période de fin 1914 à fin 1916 où il fut infirmier dans un hôpital militaire aux Sables-d’Olonne. On connaît l’action vigoureuse des Pères de Monfort, pour le Poitou passé assez largement au protestantisme dans nombre de paroisses (les seigneurs huguenot en étant responsables pour une bonne part) dans le cadre de la Contre-réforme. Aussi n’est-on guère surpris de trouver un peu plus de vingt montfortains.
Enfin l’ouvrage se termine avec une recherche sur les laïcs, ceux-ci sont regroupés en fonction de la province où ils séjournèrent le plus longtemps et présentés de façon plus ou moins importante. Dans sa conclusion, l’auteure signale qu’aucun Vendéen ne fit fortune au Canada mais que quelques-uns se firent un nom dans le domaine artistique. L’ouvrage est illustré avec une densité exceptionnelle car en plus des photographies issues des institutions, l’auteur a retrouvé des parents des personnes mentionnées qui ont bien voulu lui confier des clichés.
coup de coeur !Pour tous publics Beaucoup d'illustrations
Vendredi, 15 Décembre, 2017 - 19:00 Casino des Atlantes, 3 boulevard Franklin Roosevelt, Les Sables-d'Olonne (85)