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Un syndicalisme impossible? L’aventure oubliée des jaunes

Un syndicalisme impossible? L’aventure oubliée des jaunes
Vendémiaire 165 pages
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Avis de Adam Craponne : "L’autre syndicaliste de poids natif du Territoire de Belfort"

Le Territoire de Belfort a donné naissance à André Bergeron (1922-2014) qui fut secrétaire de la CGT-FO de 1963 à 1989 ; dans les négociations sociales, il était devenu l'interlocuteur privilégié du patronat. Pierre Biétry, né en 1872 dans un village (pas très loin de la Suisse et de Montbéliard) de ce qu’on appelait alors le Haut-Rhin resté français est notre autre syndicaliste.  Pierre Biétry, contrairement à André Bergeron (honnête réformiste, maintenant  son syndicat comme une organisation pluraliste), pourrait passer plutôt pour un complice du patronat qui apporte une aide matérielle aux syndicats jaunes.

L’objectif est du syndicalisme jaune est officiellement de « réaliser la renaissance nationale en créant la réconciliation des classes sur un programme de justice sociale ». En fait ce syndicalisme est de plus financé par les mêmes milieux royalistes actifs lors du boulangisme et de l’Affaire Dreyfus, prend des options antisémites et germanophobes, il invente le slogan "Travail, Famille, Patrie" et prône la participation des travailleurs aux bénéfices de l’entreprise. Avant 1914 il n'y a pas de confédaration syndicale qui se revendique manifestement de la doctrine sociale de l' Église, bien que Rerum novarum date de 1891 et on comprend que les syndicats jaunes ne se retrouvent que très partiellement dans elle.

Contrairement à ce qu’on pourrait spontanément croire la couleur "jaune" ne leur est pas attribuée par leurs ennemis (les membres de la CGT) par référence à la traîtrise. Ce qualificatif est revendiqué par Biétry qui l’explique ainsi :

« Montceau-les-Mines donna le signal de la révolte des ouvriers indépendants contre les Rouges... Ils se réunissaient au Café de la Mairie, à Montceau-les-Mines, et leur groupement portait le nom de Syndicat n° 2. Effrayés, furieux de ce qu'ils considéraient comme une trahison, les Rouges résolurent de châtier ceux qui voulaient travailler et, pour ce faire, ils vinrent faire le siège du Café de la Mairie : ce fut une émeute... Quand ils furent débloqués par les charges de la police, les assiégés, qui n'avaient pas le choix des matériaux, remplacèrent, tant bien que mal, les carreaux cassés par des feuilles de papier « jaune » dont ils avaient un stock. Ils étaient baptisés. Les Rouges, par dérision, appelèrent le siège social des Indépendants qu'ils avaient saccagé : Syndicat jaune. Depuis cette époque, nos organisations se parent orgueilleusement de l'épithète décochée en pleine bataille. Notre insigne est le genêt ; celui des Rouges, l'églantine. »

Gaston Japy, industriel protestant de Beaucourt (dans le Territoire de Belfort), premier généreux financier des activités syndicales de Biétry. Cette l'image n'est pas dans l'ouvrage.

En fait Paul Lanoir, cheminot de la Compagnie Paris-Orléans, est le premier leader des syndicats jaunes qui s'organisent en mars 1901 et il est progressivement évincé par Biétry.  Toutefois c’est ce dernier qui définit clairement le corpus idéologique du mouvement.  Il essaie de susciter un mouvement politique développant les mêmes idées et en 1906 il est député de Brest par l’ensemble des voix de droite. Les catholiques ralliés de l’Action libérale populaire ont largement financé la campagne électorale de Pierre Biétry malgré les réticences de leur leader Jacques Piou.

Toutefois assez vite il perd le soutien de l’Action française. En 1910 n’ayant aucune chance d’être réélu, il part pour l’Indochine et part exploiter le café et le caoutchouc en Indochine où des enquêtes, autour des incendies qui ravagent ses plantations, montrent qu’il s’agit là de vengeance de ses travailleurs indigènes lassés de subir des mauvais traitements. L’échec des Jaunes démontre que la culture démocratique est ancrée dans la classe ouvrière de la Belle Époque et annonce la difficulté d’introduction des idées fascistes en France pour l’Entre-deux-guerres. Christophe Maillard, docteur en histoire, est enseignant à l’IUFM puis ESPÉ de Franche-Comté, il exerce des responsabilités au SGEN/CFDT ; il a écrit par ailleurs une biographie de Pierre Biétry. 

Pour connaisseurs Aucune illustration

Adam Craponne

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