Avis de Ernest : "Il y a quelque chose de plus puissant que la force, que le courage, que le génie même: c’est l’idée dont le temps est venu (Émile Souvestre)"
L’objectif de cet ouvrage, composé d’une petite vingtaine de contributions, est d’évoquer la diversité des formes que prennent les contestations de l’Inquisition dans l’espace des royaumes de France et d’Aragon ainsi que dans le Saint Empire romain germanique. Dès les années 1180, il y a la création d’une Inquisition épiscopale. Innocent III (pape de la fin du XIIe siècle) et Grégoire IX (pontife entre 1227 et 1241) sont tous deux à l'origine de l'Inquisition légatine pour faire face aux courants jugés hérétiques.
La période étudiée dans l’ensemble de cet ouvrage couvre donc les débuts de l’office d’Inquisition et se clôt, à la toute fin du Moyen Âge, avec l’apparition de la sorcellerie comme une forme d’hérésie. Dans l’introduction, on apprend qu’en 1252 l’inquisiteur dominicain Pierre de Véronne est assassiné à Sevso en Lombardie, près d’un demi-siècle plus tôt c’était un légat du pape (Pierre de Castelnau), chargé de combattre les Albigeois (plus connu aujourd’hui comme cathare), qui avait connu le même sort près de l’abbaye de Saint-Gilles au sud-est de Nîmes. Du fait de ce dernier évènement le Languedoc est l’espace où les formes de résistances individuelles ou collcctives contre l’Inquisition ont été les plus étudiées. Aussi la première contribution évoque des désordres dans cet espace (avec Montpellier et Narbonne) élargi à des villes proches comme Arles et Avignon.
On passe ensuite à l’univers toscan où au début du XIIIe siècle, les villes tant guelfes que gibelines freinent l’action de l’Inquisition. Toutefois à la fin de ce même siècle, toutes les villes italiennes s’y soumirent. Tournai est une des rares villes royales qui refusent le contenu du Traité de Troyes de 140. Trois ans plus tard un bourgeois Gilles Meursault est condamné pour propagande hussite. Le procès de ce dernier est l(occasion d’une réconciliztion entre l’évêque pro-bourguignon (personnage-clé dans la rédaction du Traité de Troyes) et les gens des métiers fidèles au dauphin Charles devenu depuis peu Charles VII.
Les dominicains chassent, au milieu du XIIIe siècle, en Aragon les cathares et les vaudois qu’ils confondent souvent. Dans les années 120, on commence à brûler les hérétiques en Italie. Les communes agissent pour se débarrasser de leur inquisiteur. Ainsi Florence fait juger l »inquisiteur Pietro dell’Aquila pour corruption.
En Bohême, les hussites ne sont pas réprimés par l’Inquisition et la lutté contr ces derniers ne fait pas l’unanimité. Dans le Languedoc, le Valentinois et le Poitou, les résistances face à l’Inquisition prennent des dimensions variables. La plus riche documentation, concernant une procédure intentée à un inquisiteur au Moyen Âge, concerne Pietro dell’Aquilla ; l’action se situe à Florence. Il y eut des annulations a posterori de procès inquisitoriaux. Si le cas le plus célèbre est celui de Jeanne d’Arc, on a notamment des vaudois qui en bénéficièrent.
On voit, à travers deux textes, que l’assimilation des sorcières à des hérétiques, fut chose contestée dans l’univers helvétique, mais pas seulement. Ambroise de Vignate en Lombardie et le frère mendiant Humbert de Costa d’un couvent de Lyon s’illustrèrent dans ce combat de résistance. Les inquisiteurs sont souvent des dominicains, aussi l’ensemble de cet ordre religieux a mauvaise presse, ceci l’expulsion de Toulouse qu’ils subissent en 1235. L’entrave au travail des inquisiteurs devient punissable en conséquence. Les papes s’en inquiètent mais des villes languedociennes trouvent parfois un appui royal pour limiter les ennuis. L’inquisiteur Jean Bréal livre au milieu du XVe siècle un plaidoyer pour l’annulation de la condamnation de Jeanne d’Arc, suspectée notamment d'hérésie. Ses érudits propos, contenus dans l’ouvrage La Recollectio, sont présentés dans la dernière contribution de ce livre.
Après une introduction des deux directeurs de l’ouvrage, le contenu est le suivant :
L’inquisition en question : entre conflits juridictionnels, négociation et collaboration
- Élites dirigeantes et Inquisition dans les consulats du Midi de la France (première moitié du XIIIe siècle)
- Résistance à l’Inquisition et défense des statuts communaux dans les villes toscanes au XIIIe siècle
- L’« affaire Gilles Mersault » à Tournai (1423). Un cas de résistance à l’inquisition ?
Les résistances à l’inquisition : entre violence, droit et argumentations savantes
- Qui sont les vaudois de la couronne d’Aragon ?
- Résister par la parole. Discours critiques contre l’Inquisition italienne (XIIIe-XIVe siècles)
- La mise en cause de l’Inquisition dans la controverse hussite
- Appel au pape et résistance à l’Inquisition en France au xive siècle
- Un inquisiteur en procès. Pietro dell’Aquila, entre faillite des Acciaioli et abus de l’Office (Florence, 1346)
- Au-delà des bûchers. Procès inquisitoriaux, condamnations et annulations (XIVe-XVe siècles)
Le cas de la sorcellerie : délimitation du champ de compétence de l’office d’inquisition
- Quand le concile de Bâle cite l’inquisiteur à comparaître. Le cas d’Ulric de Torrenté face à Antoine Mathey (1439)
- Limiter l’hérésie ? Un discours de résistance face à l’inquisition et au sabbat des sorcières. Le Tractatus de haeresi d’Ambroise de Vignate (vers 1468)
- Résister à la chasse aux sorcières. Le De synagoga demonum d’Humbert de Costa (o. carm.), c. 1470 .
La défense du mode inquisitoire et de l’office d’inquisition
- La résistance à l’inquisition naissante en France du Sud vue par un dominicain. La chronique de Guillaume Pelhisson († 1268)
- La rationalisation de l’entrave à la procédure inquisitoire. Sur la genèse d’un « crime de résistance » à l’inquisition dans les lettres pontificales (1231-1265)
- La revanche de l’Inquisition languedocienne, de Clément V à Jean XXII. Bernard de Castanet, Bernard Gui, Bernard
- Délicieux et la « réconciliation » des « empêcheurs » de Carcassonne (v. 1308-v. 1330)
- La Recollectio de Jean Bréhal. Un plaidoyer pour une autre inquisition
- Conclusion. Révolte, religion et conflits politiques. Les Inquisitions à l’époque moderne
Réservé aux spécialistes Aucune illustration