Avis de Adam Craponne : "Louis XI, à l’extrême-fin de l’univers médiéval, a déjà un pied dans les temps modernes"
Louis XI, pourtant grand rassembleur de terres au domaine royal comme le rappelle une carte page 297 de façon définitive (Picardie, Maine et Anjou, Provence et grignotage du nord du Comtat Venaissin, Bourgogne) ou temporaire (Artois, Armagnac, Roussillon et Cerdagne, Franche-Comté), ne fut pas très aimé des historiens français et encore moins des auteurs de manuels d’histoire pour l’école primaire. Il y a là d’ailleurs la reprise d’attaques venues dès les années 1460 de la cour de Bourgogne, l’instigation du comte de Charolais c’est-à-dire du futur Charles le Téméraire :
« le comte de Charolais marque des points : les critiques se font virulentes contre Louis XI ; on lui reproche l’ingratitude à l’égard du duc qui a tant fait pour lui, critiques relayées par l’opinion qui reproche au roi sa cruauté, son avarice et son peu d’attention qu’il porte à son peuple.
En 1464, l’affaire Rubempré met le feu aux poudres. Le comte de Charolais croit ou feint de croire que Louis XI a tenté de le faire enlever ou, pis encore, de le faire assassiner, et il se hâte de faire proclamer partout la nouvelle de l’attentat auquel il vient d’échapper ». (page 54)
Cet ouvrage est thématique et non chronologique, heureusement un index des lieux et des noms nous permet de retrouver ce qui est dit ici à propos d’un évènement précis comme la campagne de Charles le Téméraire contre les Liégeois (qui est entre parenthèse le sujet de "Quentin Durward", un roman historique de Walter Scott). Il est un peu gênant par contre de trouver uniquement François II à "Bretagne (duc de)" ou François Phébus à "Foix (comte de)" et a contrario heureusement parce que rois Jacques III ou Jean II à "J" et non pas à Écosse ou Aragon.
Grâce à ce choix de chapitres consacrés à un sujet précis, le lecteur peut approcher la personnalité de Louis XI et arriver à dégager, selon ce qui lui semble remarquable, l’image propre qu’il se fait de ce roi de France. Les chapitres sont intitulés : "Les temps forts du règne", "Un roi et son privé", "Prince et principautés", "Autour du roi : conseillers, transfuges, assemblées", "Louis XI soldat", "La diplomatie de Louis XI", "Louis XI et l’argent", "Louis XI, le verbe et l’écrit ", "Louis XI et la justice", "Louis XI, l’Église et Dieu".
Les pages consacrées à la diplomatie montrent bien comment Louis XI sait passer outre des règles de ce système policé :
« La distance prise avec les rituels et les codes, on le voit, n’a pas toujours un aspect négatif. Il y a beaucoup d’improvisation, d’imprévu même, mais il arrive que cette "désorganisation" cache des intentions secrètes, obéisse à des desseins mûris. Le roi a recours à des stratégies complexes qui plient la diplomatie à ses intérêts personnels. Parmi elles, on compte la maîtrise du temps ». (page 147)
On apprécie beaucoup l’existence d’un index des noms de personne et un index des noms de lieux dans cet ouvrage. Dans le chapitre "Princes et principautés", on saisit bien les pas qu’avait déjà fait Philippe de Bon dans la voie d’une fin de vassalité vis-à-vis du roi de France ; Louis XI entend bien affirmer son rôle de suzerain de Charles le Téméraire alors que ce dernier dispose de moyens financiers certainement bien plus considérables que le royaume de France et que ses terres sont aussi dans le Saint-Empire. L’occasion de recréer un royaume de Lotharingie est forte ; rappelons qu’à l’époque empereur et pape peuvent attribuer le titre de roi. Or la couronne du Saint-Empire élective, est parfois attribuée à celui qui a pu le mieux corrompre les électeurs ; on lira dans les pages 340 de "Charles le Téméraire" que le roi de Bohême et l’archevêque de Mayence sont prêts à faire élire Charles le Téméraire par quatre voix contre sept au titre de Roi des Romains.
On aura donc intérêt à prolonger la lecture de cet ouvrage par celui, au récit suivant un déroulement chronologique proposé par Georges Minois dans "Charles le Téméraire" toujours Perrin. La psychologie du duc de Bourgogne et l’opinion qu’avait de lui Louis XI y est présente ; elle ne se résume d’ailleurs pas à cette réflexion de ce dernier rapportée page 487 de "Charles le Téméraire" :
« En vérité, je crois qu’il est fou, bien qu’on puisse avoir tort d’employer ce mot ; mais c’est ainsi. En fait, ce n’est pas à son savoir qu’il doit avoir duré, mais au hasard et pouvoir de l’argent, et parce que le monde a bien voulu s’en accommoder ».
Comme on l’a vu plus haut l’affaire Rubempré est évoquée par Joël Blanchard, mais n’est explicitée que très brièvement dans une note (alors que elle fait passer les relations entre Charles le Téméraire et Louis XI de l’hostilité vers la haine réciproque), s’y trouve largement développée pages 116 à 121.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations