Avis de Benjamin : "Même (et surtout) si vous ne croyez pas en sa sainteté"
Jacques Trémolet de Villers reprend toutes les minutes du procès de Rouen de 1431 ; en français du XXIe siècle ; ce titre paru initialement en 2016 aux Belles Lettres, est réédité en livre de poche au printemps 2017. Il le fait avec la culture d’un avocat et d’un historien, considérant que c’est le premier procès politique dans l’histoire dont on a les actes complets. On peut regretter que le choix du second éditeur qui ne reprend pas l’idée de Jacques Trémolet de Villers de faire apparaître Jeanne d’Arc comme auteur de cet ouvrage. Le dais de Charles VII au Musée du Louvre est utilisé pour l'illustration.
Couverture de la première édition de 2016
La préface, rédigée par Olivier Sers, de huit pages est quasiment une introduction où on rappelle que Jeanne d’Arc n’a pas d’avocat (alors qu’elle est face à quarante-sept personnes fort instruites) et informe que le viol de fin mai, après qu’elle ait repris ses habits de femme, a été consommé par un Anglais. Il est bien précisé que c’est parce que l’évêque Cauchon ne tient pas sa parole de confier Jeanne en une prison de l’Église (pour le reste de ces jours) que le viol s’est produit.
Jeanne est donc seule face à ses juges et l’on peut voir combien elle sait déjouer les pièges qu’on lui tend à l’époque où le dernier antipape Clément VIII vient de renoncer à sa charge. Grâce à un sérieux bon sens, elle ridiculise le contenu de ces questions pièges. Certes on connaît généralement cette réplique: «Si je n'y suis, Dieu m'y mette ; et si j'y suis, Dieu m'y tienne » à la question « Savez-vous si vous êtes dans la grâce de Dieu?», mais il y en a bien d’autres à découvrir avec Jacques Trémolet de Villers . Il nous révèle aussi que Jeanne corrompe sa signature sur l’acte d’abjuration pour signifier vraisemblablement que c’est sous la contrainte qu’elle prend la plume.
Jacques Trémolet de Villers nous permet de réévaluer notre image de la personnalité de Jeanne, on n’est par contre pas obligé de le suivre dans tous les développements qu’il avance dans son envoi. Ceux-ci ont le mérite d’être des pistes de réflexion originales ; celles-ci ont pour titre Les différents degrés de lecture d’un dossier (où il sera suivi avec joie à la fois par les plus violents anticléricaux et les catholiques les plus intégristes), Jeanne et l’État (avec cette qualification , reprise de Gustave Thibon: « anarchiste au service de l’ordre » , Jeanne et le Roi, Jeanne et le droit, Jeanne et la lange française (où l’auteur se met en contradiction sur la connaissance de la langue écrite par Jeanne avec ce qu’il écrit page 311), Jeanne et la guerre, Jeanne et les miracles, Jeanne et l’Église, Jeanne et la laïcité (où l’auteur nous explique qu’elle est « le premier martyr de la laïcité chrétienne »), Jeanne docteur de l’Église (beaucoup de chrétiens et en particulier les protestants ainsi que des libres-penseurs penseront que, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, on n’est pas en face du fait unique d’ « une laïque fidèle à Dieu et au roi, brûlée par les hommes d’Église comme hérétique schismatique, idolâtre, etc. » Par ailleurs, nous rappellerons en cette veille de 1er mai, l’hommage traditionnel à Sainte Jeanne d’Arc est fixé le deuxième dimanche du mois de mai.
Pour connaisseurs Aucune illustration