L'imposture politique au Moyen Âge: La seconde vie des rois

Lecuppre présente une trentaine de cas d'impostures politiques répartis sur quatre siècles, du XIIe au XVe. Les imposteurs politiques sont des individus qui se prétendent rois ou princes réapparus, ou rejetons méconnus de glorieuses personnalités. L'imposture politique est un moyen d'opposition subversive au pouvoir établi puisqu'elle conteste radicalement la légitimité des souverains régnants. Lecuppre montre comment l'imposture est favorisée par la civilisation médiévale faite de tabous, d'interdits, de fantasmes, de peurs et de jeux, et par une "culture de l'approximation". Lecuppre examine la formation des complots, étudie ceux qui les fomentent ainsi que les raisons de leurs succès temporaires et de leurs funestes échecs à la fin.

On découvre ainsi les portraits hauts en couleurs du faux Baudouin de Constantinople, en fait le jongleur Bertrand de Rays (1225), du faux Richard d'York et prétendant à la couronne d'Angleterre (1495-1497), en réalité le Belge Perkin Warbeck, etc. L'isolement, l'éloignement, l'imagination encouragent les impostures, comme dans un roman de Thomas Love Peacock ou Walter Scott: on ne sait plus à quoi ressemble  le bon roi qu'on n'a jamais vu, ou seulement de loin, ou qui est captif, ou parti pour la Terre sainte depuis des années, on prend ses désirs pour des réalités, souhaitant le retour d'un roi mythique épris de justice en des temps d'arbitraire et d'iniquité... C'est pourquoi l'imposture prend généralement la forme d'une "résurrection", d'un Retour du Roi "revenant".

Sans paradoxe, c'est l'époque où le monde occidental donne naissance à l'État centralisateur, et les usurpateurs sont donc combattus par les souverains inquiets avec une férocité redoublée. Les imposteurs sont ainsi parfois des agents conscients ou inconscients de l'étranger dont un État ennemi se sert pour miner l'autorité d'un adversaire politique.

Seul point négatif: le style. Trop souvent, de nos jours, des livres aux sujets originaux et passionnants comme celui de Lecuppre souffrent d'un style absolument indigeste - c'est le cas ici, et c'est dommage.