Avis de Benjamin : "Jeanne n’était pas une quiche au combat, d’ailleurs elle n’était même pas lorraine"
L’auteur réalise un très bon ouvrage de vulgarisation sur des bases historiques sures. On a tellement écrit d’âneries sur Jeanne d’Arc que nombre de passages sont consacrés à argumenter autour d’affirmations fantaisistes que l’on trouve depuis plus d’un demi-millénaire à son sujet. Personnellement j’ai beaucoup apprécié ces rectifications de tir car, outre qu’elles sont indispensables pour avoir une réelle idée de la personnalité et des actions de La Pucelle, le contenu de leur réfutation nous fait connaître des faits nouveaux et la certitude que l’on a repris parfois ce qu’avançaient des romanciers pour des vérités historiques. Ainsi apprend-on que ce fut le cas par exemple avec le contenu de certaines pages de l’ouvrage d’Eugène Sue Les mystères du peuple; le contenu raconte l'histoire de la famille Lebrenn de 57 avant Jésus-Christ à 1851, aussi n’est-il pas étonnant qu’ils rencontrent Jeanne d’Arc.
Par ailleurs sonne juste l’évaluation des capacités militaires de La Pucelle, bien plus meneuse d’hommes par son courage que tacticienne. Le fait qu’elle n’avait pas de pensée élaborée sur les alliances politiques à mener confirme encore assez bien le fait qu’elle était une fille du peuple. Ni stratège, ni diplomate, elle apparaît comme l’accélérateur de la remise sur pied des ambitions de Charles VII.
Le préambule dresse les raisons pour lesquelles les rois d’Angleterre revendiquent la couronne de France. Comme les bonnes dissertations que nous faisions pour les sujets d’histoire à l’université, l’ouvrage est bâti sur trois parties. On démarre avec des pages de "l’Appel" où nous sont contées naissance et enfance de Jeanne d’Arc ; c’est l’occasion en particulier de démontrer avec brio que Jeanne n’était pas la fille naturelle d’Isabeau de Bavière et de Louis d’Orléans. Il est bien d’avancer aussi que ses parents avaient forcé Jeanne vers seize ans à faire une promesse de mariage et voulaient toujours la marier ; ils apportent un soutien sans faille au jeune homme de Domrémy.
Selon nous, du fait que le procès se déroule en 1428 prouve que ses parents étaient hostiles à la voir partir sauver le royaume de France, ceci alors qu’ils sont sujets du duc de Bar d'après l'auteur. Selon lui, une partie du village, qu’ils habitent, appartient au royaume de France depuis que la Champagne a été rattachée au domaine royal soit environ un siècle et demi auparavant. Jeanne serait bien dans la partie de Domrémy qui relève alors du Barrois mouvant (voir à ce propos la page 21 et le contenu de la note 1 de cette page), le ruisseau qui sépare la localité en deux ayant été détourné au XIXe siècle, ceci finissant par faire croire à tort que Jeanne était née champenoise donc française. Toutefois depuis 1301, par le Traité de Bruges, l'empereur du Saint Empire romain germanique a reconnu le Barrois mouvant comme relevant de la vassalité du royaume de France. On pourra lire un avis contraire sur le fait qu'elle était barroise là http://www.stejeannedarc.net/dossiers/nationalite_jeanne.php
Toutefois en 1571 Charles IX cède au duc de Lorraine et de Bar l'espace de Domrémy qui lui revient, ce qui prouve qu'à l'époque on n'entretenait plus le souvenir de Jeanne à la cour de France, d'ailleurs comme le montre le contenu de l'ouvrage Jeanne d’Arc: La voix des poètes, le XVIe siècle est la période où l'on compte le moins de poèmes sur La Pucelle. Ce premier procès amène aussi à penser que si Jeanne se défend si bien au procès de Rouen c'est qu’elle a déjà une expérience à Toul.
On découvre ensuite les différentes étapes de Jeanne entre Vaucouleurs et Chinon ; elle est en compagnie de Jean de Metz et Bertrand de Poulengey et sous la haute bénédiction de Yolande d’Aragon, mère du duc de Bar connu à l’époque comme René d’Anjou et passé dans l’histoire comme "le bon roi René". Notre auteur fait partir Jeanne le 23 février 1429, contrairement à d’autres historiens, en l’argumentant comme toujours de façon rigoureuse. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il est fort à propos en désaccord avec Colette Beaune. François Sarindar-Fontaine évoque sa rencontre avec le prétendant Charles, ceci en nous précisant qui dans l’entourage du roi est plutôt favorable ou défavorable au message qu’elle délivre.
C’est dans la deuxième partie aux pages 134 et 135 que l’auteur nous cite le cas de trois femmes qui prirent les armes au cours des XIV et XVe siècle, à savoir tout d’abord Marie Jetrud (ou Marie Trisse) héroïne issue du peuple tuée à la bataille du Passage de Comines (et non Commines) dans le Hainaut (ne pas confondre avec le cité flamande d’où provient un célèbre historien Philippe de Commines) en 1382 où une fois de plus les villes flamands s’opposent au roi de France (Charles VI en l’occurrence) venu appuyer le comte de Flandre (là Louis de Male). François Sarindar-Fontaine nous évoque aussi Jeanne de Flandre (petite-fille d’un comte de Flandre, mais fille du comte de Nevers et de Rethel) l’épouse du duc de Bretagne Jean de Montfort qui assure la défense de Hennebont contre Charles de Blois et enfin Marie d’Harcourt épouse d’Antoine de Vaudémont qui dispute à René d’Anjou le duché de Lorraine. J’en rajouterai personnellement une, mais postérieure à La Pucelle, à savoir Jeanne Hachette, défendant Beauvais en 1472 contre les troupes de Charles le Téméraire ; un personnage que je me rappelle avoir vu largement magnifiée dans livres d’histoire pour l’école primaire datant de la IIIe République.
Cette seconde partie s’intitule "D’Orléans à Reims, les jours glorieux" et François Sarindar-Fontaine ne verse pas dans l’épopée. Pour les gens de l’époque Jeanne est une nouvelle Déborah, une des rares prophétesses de la Bible ; datant des environs de 700 avant Jésus-Christ, le récit la concernant est une construction théologique, et non d'une réalité historique. Elle est à l’origine de la défaite finale du roi cananéen Yabin selon les textes.
Jeanne accompagne Charles VII à Reims pour son sacre mais sa relation avec lui se dégrade car le roi a compris que pour reprendre la totalité de son royaume il lui faut dégager le duc de Bourgogne de l’alliance anglaise. Or Jeanne, en plus de ne concevoir que des actions de type militaire, déteste encore plus les Bourguignons que les Anglais. En effet les premiers avaient pillé Domrémy et incendié son église en juillet 1428.
Ceci nous amène à la troisième partie où après avoir permis à de nombreux territoires de revenir à leur juste souverain, Jeanne se voit fait prisonnière à Compiègne. Charles VII ne fait rien pour la racheter au seigneur bourguignon qui l’a capturée. Paris ne fait son retour qu'en 1436 à Charles VII, quelques mois après le traité d'Arras et justement cela suit de près la réconciliation franco-bourguignonne. L’auteur présente, dans l’épilogue, les enjeux du procès de Jeanne d’Arc à Rouen et fort à propos examine les hypothèses de sa possible survie, évoquant Claude des Armoises.
Les Vendéens d’aujourd’hui (alors cet espace relève du Bas-Poitou) noteront que : « (il est vraisemblable que) Claude des Armoises ait ensuite rejoint Gilles de Rais, qu'elle aurait servi comme capitaine jusqu'en 1439. (…) Revenant de Vendée, elle se sera arrêtée à Orléans, où elle aurait été accueillie avec solennité du 18 juillet au 1er août 1439 ». (pages 259-260). Ils ajouteront malicieusement d’abord que tout était vraiment "bidon" chez Claude des Armoises puisqu’elle séjourne dans une Vendée qui n’existe qu’à partir de 1789 et ensuite qu’en Vendée tout ce qui touche Jeanne d’Arc tient de l’imposture, de Claude des Armoises à l’anneau de Jeanne d’Arc (Philippe de Villiers et son fils ayant fait racheter cet objet pour le Parc du Puy-du-Fou).
coup de coeur !Pour tous publics Aucune illustration Plan chronologique
https://www.youtube.com/watch?v=PE2jdGO0GJk
http://www.rts.ch/archives/dossiers/henri-guillemin/3477849-jeanne-d-arc.html
https://www.youtube.com/watch?v=vb2zh2DzUtk