GERMIGNY-L'EXEMPT ou Les Trois Deniers de Gaspard

C'est dans une critique académique et néanmoins franchement positive que j'ai lu cette expression à propos des Trois Deniers de Gaspard. Une enquête menée "tambour battant", avec une clarté de style captivante. La description était plus que prometteuse. L'évocation, quasi-stendhalienne, d'un livre d'histoire conduit avec une virilité martiale me plaisait. Du Bainville, c'est ce que j'ai espéré. Eh bien, je n'ai pas été déçu. L'auteur a certes sa personnalité, son style propres et ne saurait être confondu avec aucun autre, comme j'ai découvert que déjà Raspail le disait il y a des années, mais c'est mieux encore que ce à quoi je m'attendais.

Il est difficile de s'étendre ici sur des essais qui sont chacun comme un assaut de forteresse. Car il s'agit d'attaquer sous tous les angles un sujet capital: la naissance de la France, mais dans une optique renversée où le terrain est premier et les grandes figures historiques ne prennent forme qu'à travers lui.

J'aurais pu avoir le mauvais goût de mégoter sur certains détails. La mise en page n'est pas particulièrement réussie, et un index aurait été utile. Mais l'auteur n'est pour rien dans le premier cas. Dans le second, ce petit inconvénient technique est largement compensé par la clarté très rigoureuse du propos qui est justement assez expressif pour qu'on puisse retrouver les passages les plus accrocheurs.

L'auteur (une femme) qui vantait les mérites de ce livre déplorait qu'il n'y en ait plus qui soit écrit dans un tel français. Je ne peux qu'approuver ce jugement, moi dont les livres d'histoire tombent des mains régulièrement à cause du jargon atroce et du français approximatif et fatigant dans lequel ils sont le plus souvent rédigés depuis une vingtaine d'années. Et les choses ne vont pas en s'améliorant. Gageons qu'avec l'inclusif, des merveilles nous attendent.

Une lecture solide, forte, belle et instructive pour le Bourbonnais et le professeur maintenant âgé (et un peu désabusé) que je suis.

Gros coup de coeur pour cet ouvrage très original, très bien écrit (tout le monde le dit: le style est remarquable), scientifiquement irréprochable et dont on ne lâche pas la lecture avant d'avoir fini... pour revenir en arrière profiter de certains passages fascinants, comme l'épisode du siège truqué ou la légende des cloches et la céphalophorie de l'étrange Expenius. Les six essais s'articulent autour d'un véritable roman: celui des trois deniers de Gaspard, qui arrive à convaincre même les plus difficiles tant les preuves solides se combinent avec harmonie. La croisade contre les Albigeois serait donc la clé de l'énigme germinoise... Françoise Perrot, la grande médiéviste française et la plus éminente spécialiste du vitrail gothique, par sa découverte du secret d'un vitrail chartrain à la fin des années 1970, semble l'avoir donnée... Le meilleur livre qu'il m'ait été donné de lire cette année, fond et forme, en matière d'histoire médiévale, si j'excepte Les Derniers Païens de Gouguenheim parus en début d'année. Il n'est donc pas étonnant qu'il ait été accueilli si favorablement par les plus respectés des médiévistes (Wirth, Perrot, Toubert, etc.)