Avis de Adam Craponne : "La femme de Bunny fait des bugs sous l’Occupation"
Bunny est le surnom du mari de Josée Laval, fille de Pierre Laval, d’où notre titre. Yves Poucher a eu accès à nombre de documents concernant celle dont il fait la narratrice de ce roman. En effet après la mort de Josée Laval en 1992 (et non vers 1986 comme semble le dire l’ouvrage, faute de précision), son mari René de Chambrun a permis à Yves Poucher d’accéder à tout ce qu’il possédait en rapport avec son épouse décédée. Ayant retrouvé ce qu’on peut appeler son journal intime (tenu dès le début des années 1930), l’historien a publié en 2002 "Pierre Laval vu par sa fille".
Ce récit pourrait s‘appeler "Papa a dit que" tant la narratrice nous parle de son père avec qui elle entretient une relation fusionnelle. Toutefois une part non négligeable est consacrée à ses rencontres mondaines. Arletty y tient une grande place et on peut même comprendre qu’il y avait plus que de l’amitié entre Josée et l’actrice principale d’"Hôtel du nord". Josée Laval aurait été également l’amante de Blanche van Cleef. Le lecteur non averti risque de passer à côté de certaines informations, ainsi la Jacqueline Patenôtre est la future sénatrice puis députée-maire radicale de Rambouillet. Par ailleurs, on aurait aimé savoir quel est le nom de jeune fille de cette Fernande, fille d’un armateur juif de Marseille qui est une des grandes amies de Josée évoquée pour la première fois page 29. Bien que cela soit un roman historique, une courte présentation dans une liste des personnages ici cités n’aurait pas été inutile.
Josée Laval, en se mariant le 31 août 1935, est devenue la comtesse de Chambrun. Elle est la petite-fille d’un aubergiste (par son père) et nièce d’un député socialiste de la Belle Époque et des années qui suivirent. Il semble qu’elle prenne plaisir à s’étourdir dans le milieu d’artistes, financiers, hommes d’état où elle a d’abord pris sa place comme fille de ministre puis de Président du conseil. Si Yves Pourcher est irréprochable dans les propos qu’il fait tenir à Josée Laval, par contre la quatrième de couverture l’est beaucoup moins, en présentant Laval comme un homme de gauche. C’est le cas jusqu’en 1926 mais plus du tout après. Des informations historiques surprennent telles celle de la page 41 où l’on fait dire à la narratrice que Jean Chiappe et le colonel de La Roque entrent en contact avec Pierre Laval après les émeutes du 6 février 1934.
En résumé voilà un roman historique qui permet de revisiter l’univers politique et mondain de la France depuis en gros 1930 jusqu’à la Libération de juin 1944, ce qui veut dire pour l’Occupation la présence de Josée lors de la visite de dignitaires nazis à Paris, comme celle que fit Goering fin 1941 (pages 114-115). La façon dont Josée, aux nombreuses connaissances israélites d’avant-guerre, perçoit les persécutions antisémites est bien entendue très attendue par le lecteur. En prolongement de la lecture de cet ouvrage, on lira "Lisette de Brinon, ma mère: une juive dans la tourmente de la Collaboration" par Bernard Ulmann. Josée Laval avait d’ailleurs un profond mépris pour la veulerie de Brinon vis-à-vis des Allemands et apparaît-il ici de la sympathie pour l’épouse israélite de ce dernier.
Pour connaisseurs Aucune illustration