Avis de Benjamin : "Le Liban si loin de Dieu et si près l’Israël et de la Syrie"
L’auteur a été avocat au barreau de Beyrouth à partir de 1963 ; il a été l'un des dirigeants du Parti du Bloc National Libanais dont nombre d’acteurs étaient des hommes de loi. Exilé, il devenu avocat au Barreau de Paris en 1984.
Raymond Eddé est décédé le 10 Mai 2000 à l’âge de 87 ans à Paris où il était exilé depuis 1977, suite à plusieurs tentatives d’assassinat. Son père Émile, un maronite, fut président du Liban entre 1936 et 1941 sous le mandat français. Un des neveux de Raymond Eddé se nomme Carlos et il a tenté en vain de maintenir en vie le Parti du Bloc National Libanais, mais sa tentative a échoué et ce mouvement est quasi moribond. Des reproductions d'article et des photographies de ce dernier et l'auteur agrémentent l'ouvrage. Ce qui resort de cette suite d’événements, présentés plus comme un roman que comme un livre d’historien avec analyses, c’est que Raymond Eddé a toujours tenté de préservé l’indépendance du Liban. Il s’est opposé à l’accord du Caire de1969 qui ont autorisé les actions militaires lancées par les fedayins contre les Israéliens à partir du territoire libanais. Contrairement aux phalangistes (du parti Al Kataëb Al Lubnaniyya), il n’a jamais essayé de jouer sur les Syriens ou les Israéliens pour intervenir au Liban en faveur des intérêts de son parti ; ces derniers le payèrent d’ailleurs par l’assassinat de Bachir Gemayel en 1982 sur ordre de la Syrie.
Si on peut charger Israël de beaucoup de péchés après 1947, on est très surpris de lire que la non ratification par les chambres française du traité accordant l'indépendance promise pour 1940 est due au lobby sioniste français. Ceci d'abord parce que, avant 1940, les députés et sénateurs français d'origine israélite sont peu favorables aux idées sionistes, ensuite parce que Si lobby sioniste il avait eu, son intérêt aurait été évidemment de favoriser l'indépendance du Liban, car le plus tôt celle-ci acquise suit celle de la Palestine... Notons qu'un portrait de Pierrre Viénot, acteur de l'accord prévoyant l'indépendance (en tant que sous-secrétaire d'état), est proposé dans l'ouvrage Les Ardennes dans la guerre paru chez Borée.
La responsabilité effective de ce report d'indépendance revient à Georges Bonnet alors ministre des Affaires étrangères (en matière de reniement, il avait déjà l'expérience de Munich) ; ce dernier d'ailleurs entendait se débarrasser des juifs allemands en les envoyant à Madagascar. En fait le gouvernement français d'Édouard Daladier affirme que si la guerre devait éclater en Europe, il devrait utiliser les colonies du Moyen-Orient comme postes stratégiques et il crée toutes les conditions pour que le sandjak d'Alexandrette tombe dans le giron turc en violation de sa responsabilité de puissance mandataire.
Le ton de l'auteur est très francophile et très hostile aux actions ou inactions (selon les circonstances) des Anglais puis des Américains. Il resort de l'ouvrage que les chrétiens libanais n'ont jamais marché dans la même direction, que l'assassinat politique et la fraude électorale ont toujours existé depuis l'indépendance et que les pays voisins ou les puissances lointaines ont largement pesé sur le devenir de ce pays. Au demeurant et il serait bon de croiser ce livre d'un témoin très actif avec celui par exemple de Jean-Jacques Quémeneur Liban, la guerre sans fin qui sort en avril chez Plon.
Pour tous publics Quelques illustrations