Avis de Adam Craponne : "Laval cravate blanche et idées noires"
Renaud Meltz rappelle à juste titre qu’il n’est pas le premier biographe de Pierre Laval, d’ailleurs même avant son décès, l’ancien avocat et député centre gauche des années 1930 Torrès (passé par la SFIO et optant pour la SFIC après le Congrès de Tours) avait dressé le portrait le plus acide qui soit de l'Auvergnat, ceci depuis les USA (l’ouvrage est édité au Canada). Avant la guerre, plusieurs brochures, issues d’ailleurs d’écrivains très marqués à droite et antisémites, font son panégyrique ; il s’agit d’un travail de commande.
Renaud Meltz apporte des éléments nouveaux en faisant par exemple la synthèse sur l’origine de la fortune de Pierre Laval, celle-ci se constitue progressivement dans l’Entre-deux-guerres ; il cite en exemple ses attaques à l’été 1919 contre Victor Boret le ministre de l'Agriculture et du Ravitaillement dans le ministère Clemenceau, ceci pour défendre les intérêts du gros minotier Ernest Vilgrain. En gros, Pierre Laval fait du traffic d'influence.
Son louvoyage entre des positions officiellement pacifistes et son soutien à l’action de Clemenceau pendant la dernière partie du conflit est largement décrit. Les habitants de Pantin et d’Aubervilliers seront contents de voir cité Maurice Foulon aux pages 160, 165 et 170. Il est rapporté que, en 1921, Foulon aurait demandé pour lui sa carte à la SFIC tandis que un autre militant aurait fait une démarche en son nom pour obtenir son adhésion à la SFIO maintenue ; il s’agit d’une rumeur mais très significative des ambiguïtés constantes de Pierre Laval. Maurice Foulon est né le 16 septembre 1886 à Pantin et Pierre Laval le patronnera pour le faire élire député d’Aubervilliers en 1928, c’est « un instituteur dont la femme dirige le dispensaire de la ville ». En effet l’Auvergnat, à partir de janvier 1927 et jusqu’à L’Occupation, sera à la fois maire d’Aubervilliers et sénateur du Puy-de-Dôme.
On peut dire que dans l’Entre-deux-guerres, Laval c’est une collection de personnages avec des mises en représentation bien différentes : le maire d’Aubervilliers menant une politique de socialisme municipal, certes un peu moins dynamique que celle de son voisin Charles Auray à Pantin ou de celle d’Henri Sellier à Suresnes mais c’est aussi le notable rural en Auvergne, le parlementaire, l’avocat d’hommes d’affaires (il a commencé par la défense de syndicalistes et en particulier des instituteurs), l’investisseur d’une grande fortune (dont une partie serait en Suisse).
Notons que le 10 juillet 1940, Laval tient des propos contre les instituteurs (page 659) et fait des allusions ouvertement racistes contre les métèques (page 667) ; ceci explique peut-être l'absence de réaction de Blum qui doit penser qu'il va se faire huer dès le premier mot. La seule constance que l’opinion publique lui reconnaît c’est de s’être toujours opposé à la guerre et il est très fier de rapporter qu’au début de l’été 1944 dans un train arrêté à la gare de Pantin, un voyageur a dit, selon les renseignements généraux, que Laval a eu cette position tout au long de sa vie politique. Le passage sur Belfort, devenu de fait la capitale de l’Etat Français du 17 août au 7 septembre 1944, est très intéressant.
Pierre Laval, réfugié en Espagne, aurait pu gagner l’Irlande et y vivre en exil, toutefois il veut un procès pour se justifier aux yeux de l’Histoire. Lors de ce procès, sa fine connaissance du monde parlementaire et de la biographie des personnages qui dirigent les débats, ou viennent comme témoins, lui permet de mettre les rieurs de son côté et de contrer magistralement ce qui est avancé. Toutefois la France résistante qui vient de condamner Pétain à mort mais de commuer sa peine ne pouvait que réclamer sa tête.
Une petite remarque, au sujet des élections de fin 1919, la SFIO ne représente pas toute la gauche à ces législatives dans le secteur de banlieue où se présente Laval (en compagnie de Paul Faure, Longuet et Frossard) ; les radicaux sont sur la liste du Bloc national (en fait dite d’Union républicaine et sociale) et on trouve là en particulier Adolphe Chéron qui siège au groupe radical socialiste durant toute la durée du mandat de la Chambre bleue horizon. En effet là, comme dans le Var et l’Allier, cette union de la droite au centre gauche provoque les échecs de députés socialistes sortants tels Renaudel et Pierre Brizon et par ailleurs en Bourbonnais l’élection d’un vieil et constant ami de Pierre Laval, à savoir Lucien Lamoureux, député de Lapalisse et Vichy après la réinstauration du scrutin d’arrondissement en 1928. On apprécie beaucoup l’index des noms cités, mais on relève l’oubli de Maurice Foulon.
coup de coeur !Pour connaisseurs Quelques illustrations
http://histoire-de-pantin.over-blog.com/article-29180374.html