Avis de Adam Craponne : "Une allégeance dans la souffrance"
Mustafa Alaoui a débuté sa carrière journaliste juste avant le retour du Maroc à l’indépendance et sous le règne d’Hassan II il paya, de certaines informations qu’il donna, des séjours en prison. Ces derniers ne se concevaient guère sans l’usage de la torture.
Mustafa Alaoui en commentant à la télévision en 2013 une cérémonie autour de Mohamed VI, du fait d'un lapsus parla de souffrance au lieu d’allégeance. Il semblerait, il est vrai, que son allégeance à trois rois successifs se fit toujours avec une bonne dose de souffrance. Il ne le dit pas dans son ouvrage mais on pourrait l’appeler le Zitrone marocain dans ses fonctions télévisuelles (dans la dimension des commentaires des évènements princiers) et comme ce dernier il est vraisemblable qu’il parlait trois langues. Seule différence entre les deux, ici on a l’arabe au lieu du russe, par contre français et "serve" (jeu de mots) étaient communs en la circonstance.
Ceci dit en tant que journaliste de presse Mustafa Alaoui prit des risques bien autres que Zitrone qui fit quand même grève en 1968 mais en demandant la permission à la direction de lire la motion syndicale à l’antenne se voit empêcher de le faire. On évoque dans cet ouvrage tous ceux qui ont façonné l’histoire politique du Maroc, que le narrateur les rencontre comme évidemment les trois rois du pays (avant ici les souverains n’étaient que sultan), le ministre de l’Intérieur Driss Basri ou les généraux Dlimi et Oufkir (pour ne parler que des trois personnages les moins sympathiques)° ou qu’il en parle comme Ben Barka par exemple. Mustafa Alaoui rencontre aussi des leaders arabes Ben Bella, Hafed Al Assad et Mouaamar Kadhafi. Housni Moubarak et lui se retrouvent dans la même prison au moment de la Guerre des sables (fin 1963 et début 1964), en effet Housni Moubarak est alors prisonnier de guerre des Marocains en tant que pilote d’un avion égyptien envoyé par Nasser pour appuyer l’Algérie. Enfin on peut signaler un long développement intéressant sur les circonstances dans lesquelles l’Espagne décolonise sa possession du Sahara.
Citons cet intéressant extrait:
« J’ai fait partie des personnes soupçonnées de sympathie avec l’ UNFP (Union nationale des forces populaires), taxée de principal opposant au régime de Hassan II, voire d’organisation terroriste. Pour vous donner une idée de la torture que j’ai subie, sachez que mes pieds étaient en lambeaux et investis par les vers. C’est un gradé de l’armée, lui-même détenu, qui m’a sauvé en prenant sur lui de nettoyer mes plaies. C’est là que vous avez partagé votre cellule avec un jeune officier nommé Hosni Moubarak, le futur Raïss égyptien... Une nuit, on a ramené des officiers dans ma cellule. Les yeux bandés, l’un d’eux tâtonnait comme pour explorer les lieux. Il retire sa main à mon contact et signifie à ses camarades qu’ils ne sont pas seuls. Le lendemain, je me retrouve dans les toilettes. Le surlendemain, on me met dans un sac et on me transfère à Oujda où je passe trois mois. Le fait que vous soyez un Alaoui proche de la famille royale ne vous a-t-il pas épargné détentions et tortures ? Du tout. L’Histoire du Maroc nous apprend que ceux qui ont le plus été tabassés par Abid El Afia (littéralement les esclaves du feu, chargés d’appliquer les châtiments ordonnés par le roi à l’encontre de son entourage. NDLR) sont des Alaouites. Et il y a Alaouite et Alaouite ! Et votre dernière rencontre avec Hassan II ? Je me souviens surtout de la première, quand il m’avait convoqué pour discuter, en tête à tête, d’un reportage que j’avais publié dans Al Fajr sur la guerre du Rif. Hassan II traitait les journalistes de manière plus qu’honorable avant le coup d’état de Skhirat en 1971, mais il a changé d’attitude après. Pour sa conférence après le coup d’état, un policier m’a intercepté à la porte du palais pour me fouiller. Me voyant protester, il me dit que ce sont les ordres. J’ai simplement répondu que Mustapha Alaoui n’est pas tenu par ces ordres et qu’il ne remettra plus les pieds au palais ».
Pour connaisseurs Aucune illustration
http://www.lefigaro.fr/international/maroc-le-bilan-contraste-des-vingt-annees-de-regne-de-mohammed-vi-20190729