Avis de Adam Craponne : "Un ex-président de la République qui devient président du conseil deux ans après ça n’existe pas, ça n’existe pas. Et pourquoi pas ?"
Raymond Poincaré est le seul de nos présidents de la République à avoir poursuivi, dans la foulée et avec succès, une carrière politique après la fin de son mandat de président. En effet à peine a-t-il quitté l’Élysée qu’il redevient sénateur de la Meuse (il l’avait déjà été de 1895 à 1913). Georges Valance révèle qu’à la fin 1917 certains parlementaires, dont le socialiste Marcel Sembat (ministre des Travaux publics de l’été 1914 au début 1917, avec pour chef de cabinet Léon Blum), l’incitent à cumuler la présidence du Conseil avec la présidence de la République tant ils craignent le retour de Clemenceau comme chef du gouvernement.
De la jeunesse de Raymond Poincaré, on retiendra qu’élève au lycée de Bar-le-Duc il fuit avec son père à Dieppe devant l’avancée des Prussiens. Revenu dans la préfecture de la Meuse en novembre, il vit avec une armée d’occupation jusqu’en juillet 1873. On aurait d'ailleurs aimé voir mentionné qu'en 1893 il institue le tir scolaire pour les élèves de plus de dix ans et que par la circulaire du 16 août 1895, de nouveau Ministre de l’Instruction Publique, R. Poincaré rédige un texte d'une trentaine de pages autour des bataillons scolaires « qui servira de guide aux instituteurs pour l’installation des stands, choix des armes, mécanisme et règles à observer dans la pratique du tir ».
Parmi les passages les plus intéressants, il y a une très bonne analyse de la responsabilité de Raymond Poincaré dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale, des tentatives successives de paix qui fleurissent en 1917, du torpillage qu’il fait de la politique de conciliation à l’égard de l’Allemagne prônée par le président du conseil Aristide Briand en 1921 et des conséquences de sa décision d’occupation de la Ruhr en 1923. L’auteur nous montre à ce propos un bel exemple d’esprit critique et de son désir d’éviter toute hagiographie en écrivant en conclusion page 443 :
« Mais que d’hésitations, de temps perdu, d’aventures risquées comme l’occupation de la Ruhr. Un patriotisme éclairé par une analyse plus perspicace du rapport des forces intra-européen aurait peut-être modifié le cours de l’histoire et évité ce que les historiens d’outre-Rhin appellent la catastrophe allemande, le nazisme et la guerre ».
Vu la flopée d’ouvrages autour de Clemenceau ainsi que de Jaurès et d’un nombre non négligeable de livres atour de Briand et de Caillaux, on a trop vu le politique française à la Belle Époque, durant la Grande Guerre et enfin pour les Années folles à l’aune de personnages souvent en opposition avec Raymond Poincaré. En conséquence Georges Valance nous offre là un autre point de vue qui éclaire sous un angle complémentaire la période de 1887 à 1929. Même s’il reste sénateur jusqu’en 1934, il n’a plus guère de rôle après sa démission à l’été 1929, pour raisons se santé, de ses fonctions de président de conseil. Républicain modéré mais non modérément républicain, porteur d’un idéal national qui lui donne des responsabilités directes dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale et indirectes dans la montée du national-socialisme, il est un bel exemple d’intégrité. On apprécie fort les nombreuses illustrations.
Pour connaisseurs Quelques illustrations