Avis de Benjamin : "Un discours qui dynamite plus qu’il dynamise les questions"
L’auteur évoque donc dix questions autour de sujets très divers, la plupart ayant trait à l’action de l’URSS des années trente aux années soixante. Ce sont : le devenir de l’or espagnol sorti durant la guerre civile, les livres de propagande de l’URSS à destination de l’étranger (on est d’ailleurs plus que surpris de voir écrit par le ministre des affaires étrangères Maxime Litvinov que le président tchécoslovaque Benès entendait en 1920 de céder la Ruthénie à l’URSS alors que cet espace est essentiellement disputé entre la Russie et la Pologne), Vlassov avec son armée de renégats soviétiques (le fait que les prisonniers russes soient a priori considérés comme des traitres, sur ordre de Staline, et les conditions de détention imposées par les Allemands, facilitent la croissance de ces troupes), le devenir du cadavre d’Adolf Hitler (dont on ne conserve que le crâne), le conflit entre Tito et Staline, les relations entre Kennedy et Khrouchtchev lors de la crise des fusées à Cuba, les péripéties autour des souvenirs écrits par Khrouchtchev, la remise en cause d’une différence fondamentale entre les crimes du nazisme et ceux du stalinisme, la personnalité de Che Gevara, la biographie de Poutine (ces actions à l’intérieur de la Russie et ponctuellement celles de déstabilisation en Europe et aux USA).
Les sujets retenus ne brillent pas par leur originalité, par contre François Kersaudy s’appuie épisodiquement sur une documentation renouvelée ; il met cette dernière au service d’un discours très construit. Notre auteur s’autorise au passage de qualifier d’idiots ceux qui admirent le leader révolutionnaire que fut Che Gavara, auparavant il l’a traité d’ « un des aventuriers les plus fanatiques et meurtriers du XXe siècle » (page 362). Page 320, il s’appuie pour cela sur un discours de Che Gevara à l’ONU où il a déclaré en 1964: « Oui nous avons fusillé, nous fusillerons et nous continuerons à fusiller aussi longtemps que nécessaire » (page 320). En note la référence est que le lecteur doit trouver lui-même une vidéo de ce discours sur internet.
On trouve parfois un langage spécieux, ainsi au lieu de dire que Staline s’était opposé à toute tentative de prise de pouvoir des communistes en France et en Italie pour les années qui suivirent la Libération de ces pays, François Kersaudy, en se référant sur ce que serait le contenu des mémoires de Khrouchtchev, écrit : « Staline comptait sur Thorez et Togliatti pour déclencher des insurrections communistes en France et en Italie après la Libération, et qu’il ne leur avait ordonner d’y renoncer que parce qu’il estimait que les armées américaines étaient assez puissantes pour les écraser » (page 244).
Les jugements de valeur s’accumulent dans ce livre et touchent autant (en mal généralement qu’en bien ponctuellement avec Vlassov) les personnages évoqués que des gens qui ont une opinion sur eux. Par le choix d’un ton si engagé en plusieurs occasions, François Kersaudy sort-il de son rôle d’historien pour enfourcher celui de militant ?
C’est le cas lorsqu’il donne notamment une liste d’organisations manipulées et manipulatrices tels des syndicats (comme FSU ou FO), des associations (telles GISTI, le DAL ou le MRAP) et des partis politiques (certains aux actions très confidentielles comme l’UPML ou le PCm) et évoque plus loin ATTAC, les syndicats de policiers CGT et SUD ainsi que le syndicat de la magistrature, n’hésitant pas à assimiler leurs objectifs à ceux d’Action directe et ainsi à duper ses lecteurs en les déniaisant prétendument. « Toutes ces sectes radicales harcèlent les autorités du moment au nom de leur idéologie, avec d’excellents relais dans les médias, l’enseignement secondaire, l’Université, les syndicats, l’administration, la justice, la culture, les services publics et les ONG. Le Français candide estimera sans doute qu’il s’agit là d’inoffensifs clubs de réflexion philosophique ou de pêche à la ligne, à l’instar d’Action directe – le plus virulent, ou du moins le plus impatient à en découdre(…) (pages 264-265) ».
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