Avis de Adam Craponne : "Un ancien étudiant en histoire ne peut être foncièrement mauvais, surtout s’il a été en charentaises un très chaud partisan de la SDN"
Richard Hennessy naît en 1724 à Killavullen, un petit village du comté de Cork, dans une famille aristocratique irlandaise. Il quitta à 19 ans l'île d'émeraude pour servir le roi de France Louis XV comme officier dans un régiment irlandais. Il découvre la région autour de la Charente en 1745 et en 1765 il établit son propre négoce en spiritueux. En 1813, son fils James donne à la Maison le nom qu’elle porte toujours : Jas Hennessy & Co. Jean Hennessy est de la quatrième génération après Richard Hennessy.
Après des études au collège Gerson (fondé par un prêtre catholique basque en 1884), au lycée Janson De Sailly puis à la faculté de lettres de Paris en histoire, Jean Hennessy s’occupe de l’entreprise familiale.
Nettement à droite mais républicain en tant que député de Barbezieux avant 1919, comme son frère député d’une circonscription voisine de Charente, aux élections législatives de 1914 il se déclare contre l’impôt sur le revenu et pour la loi des trois ans de service militaire. En 1919 il est seul élu d’une liste centre-gauche face à la liste centre-droit menée par son frère (avec quatre élus), la liste de droite (un élu) et une liste socialiste (sans élu). Il siège au groupe des républicains socialistes, composé de 28 membres, aux côtés en particulier d’Aristide Briand, Blaise Diagne et de Paul Painlevé.
On aurait aimé connaître les réactions de Jean Hennessy, face à l’initiative de 74 députés en décembre 1919 qui, la Chambre bleue horizon à peine élue, entendait réformer le fonctionnement du parlement soumis au régime d’une assemblée de rhéteurs pour passer à une assemblée de techniciens. On trouvait là certes deux figures clémencistes Tardieu et Mandel en l’occurrence (ce qui desservit son image) mais entre autre aussi Paul Reynaud, Pierre-Étienne Flandin, Maurice Colrat, André Honorat (promoteur de l’heure d’été en 1917) et Maurice Bokanowski. Louis Marin, chef de la droite conservatrice républicaine, torpilla magnifiquement le projet comme on le sait par d’autres historiens que François Dubasque.
Cette évolution à gauche est confirmée en 1924 puisque Jean Hennessy est élu sur une liste de Cartel. Dès lors, il ne siègera plus que dans des groupes parlementaires de centre gauche de 1919 à 1932 ; ceci lui valant d’être battu par un candidat centre droit en 1932. Adolphe Carnot, inspecteur général des mines, membre de l'Institut, neveu du président Sadi-Carnot, petit-fils d'Hippolyte Carnot est candidat contre lui en 1924 sur une liste de centre-droit où figure Martial Reynaud député sortant radical valoisien très attiré vers le centre-droit (ce dernier est battu).
Après avoir tenté une candidature de centre-gauche à Fougères en Bretagne en 1933, en 1936 il se retrouve le candidat de toute la droite à Menton (avec l'appui plus ou moins appuyé de l'Action française) ; soutenu par le maire de Nice Jean Médecin, Jean Hennessy fait face à l’avocat Henry Torrès, passé par le PCF de 1920 à 1923 et aujourd’hui socialiste indépendant soutenu par le Front populaire. Toutefois Jean Hennessy siège de 1936 à 1940 dans un groupe parlementaire de centre-gauche aux côtés de Philippe Serre (chrétien social) ou Gaston Bergery (d'esprit laïc et pacifiste).
Pendant la première guerre mondiale, de 1914 à 1915, il fit partie comme capitaine de la mission militaire française près des armées britanniques, à ce titre il fut décoré de la Military Cross et du Distinguished Service Order. Bien qu’opposant au gouvernement Clemenceau et à l’esprit du Traité de Versailles, il vote pour comme quasiment tous les députés non socialistes (le PCF n’existe pas encore).
Ardent défenseur de la Société des Nations et la sécurité collective, Jean Hennessy est expert technique (en 1920) puis délégué suppléant de la France à la Société des Nations ; Raymond Poincaré, redevenu Président du Conseil, l’écarte en 1922 de ces fonctions car Jean Hennessy (bien à raison selon nous) a remis en cause le rôle de Raymond Poincaré durant l’été 1914 (l’accusant d’avoir encouragé la Russie à mobiliser).
Jean Hennessy fut nommé ambassadeur à Berne en 1924. Il devint aussi, à trois reprises, ministre de l'Agriculture du 11 novembre 1928 au 27 juillet 1929 dans le 5e cabinet Poincaré ; du 29 juillet 1929 au 22 octobre 1929 dans le 11e cabinet Briand, et enfin du 3 novembre 1929 au 17 février 1930 dans le 1er cabinet Tardieu. Au Congrès du 10 juillet 1940 à Vichy, il vota avec les 80 contre les pouvoirs constituants demandés par le maréchal Pétain mais par hostilité envers Laval. Il meurt à Lausanne en Suisse en 1944, pays où il vivait depuis l’été 1943.
« Son parcours politique s’articule en effet autour d’une réflexion sur l’analyse de la crise de l’État et sur les solutions régionaliste et fédéraliste envisagées pour le réformer. » (page 12)
Ceci va l’amener à publier en 1935 "Ni à droite: ni à gauche, en avant!" et à fonder le Parti social-national destiné à lutter contre les excès du parlementarisme se traduisant par une instabilité ministérielle qui entraîne une impuissance des gouvernements, à mettre en œuvre un programme social et régionaliste dans la vision d’une Europe fédéraliste. Sa logique de régionalisation de la France et d’organisation du continent européen est inspirée du principe fédératif avancé par Proudhon.
Jean Hennessy publie également à Paris, début 1942, un nouvel ouvrage intitulé "Diplomatie nouvelle et fédéralisme". Si on comprend à travers la présentation faite par François Dubasque de ce livre, que Jean Hennessy est alors à peu près sur la ligne des pacifistes intégraux socialistes (comme Paul Faure ou Robert Jospin le père de Lionel), on aurait souhaiter voir citer quelques extraits de ce livre. On aurait pu ainsi voir jusqu’où Jean Hennessy était allé dans sa vision de l’Allemagne hitlérienne :
« L’Allemagne n’a pas en 1939, avant d’être attaquée, violé aucun de ses engagements antérieurs; par conséquent, ce reproche ne peut, comme en 1914 lui être fait. En tout cas, elle n’a pas violé le pacte la première ; à l’est, l’Angleterre et la France lui déclarèrent la guerre. »
Laval congédié, il avait foi dans l’action à venir de Philippe Pétain :
« Vous l’avez admirablement compris, Monsieur le Maréchal, la France doit donner le signal du fédéralisme ; ce geste, c’est sa défaite momentanée, immédiatement oubliée, c’est la France se souvenant de son influence traditionnelle, reprenant son rôle de grande directrice des peuples. C’est, Monsieur le Maréchal, sous votre impulsive direction, l’heure de la rénovation tant désirée par une génération ardente que la défaite n’a pas effleurée. »
Index des noms de personne, tableaux et schémas complètent utilement l’ouvrage de François Dubasque. L’iconographie est conséquente et on en retient particulièrement quatre dessins de Sennep (caricaturiste au "Figaro" mais de 1945 à 1967) mettant en scène notre personnage.
Pour connaisseurs Quelques illustrations
http://piste.de.lormaye.over-blog.com/article-affaire-seznec-du-journal-le-quotidien-91109984.html#ob-comment-ob-comment-86397205