Avis de Octave : "Au nom de Dieu, vive la coloniale!"
Comme l’écrit l’auteur dans son introduction, la décolonisation a fragmenté l’espace du Sahel en plusieurs états et l’étude porte sur des terres qui appartiennent à ce jour à la Mauritanie, au Sénégal, au Burkina-Faso, au Niger et au Mali. Les gouvernements de ces pays sont passés, pour la plupart, aux mains de noirs qui avaient pour partie et pour longtemps étaient les esclaves et victimes des razzias des Touaregs. D’ailleurs la première rébellion touareg post-coloniale date de 1963 et se produit au Mali.
Emmanuel Garnier a fait un gros travail sur les archives du ministère de la Défense et en particulier sur les journaux des postes « dans lesquels les commandants enregistraient tous les évènements, du plus insignifiant (arrivée des enfants nomades à l’école du poste) au plus grave (rezzou, crimes, catastrophe naturelle) » (page 17).
Le rôle de l'armée française au Sahel de 1860 à 1960 préfigure-t-il son rôle d'aujourd'hui ? Ce livre essaie de répondre à cette question. En effet « si le terrorisme islamiste peut apparaître comme une donnée nouvelle, tel n’est pas le cas de la fracture historique entre nomades et sédentaires, de la permanence du fait religieux et du rejet de l’autorité centrale » (page 19).
À défaut de tenir compte que le terme "vendéen" est un anachronisme, l’auteur nous évoque le fait que le morutier Paul Imbert devenu l'esclave du pacha de Marrakech, après sa capture par des corsaires (certains parleraient plutôt de pirates) marocains, est le premier Européen à entrer à Tombouctou en 1618. Ceci deux siècles avant un autre Poitevin René Caillé.
La conquête du Sahel fut progressive et il est fort intéressant d’en apprendre plus sur la grande révolte de 1916, facilitée par la présence de peu de troupes françaises (vu les besoins en Europe pour faire face aux ennemis des trois empires, à savoir allemand, austro-hongrois et ottoman). Les Touaregs et adeptes de la confrérie des Sénoussides s’allient, la répression est féroce si bien que les indigènes survivants aspirent à se venger des Français (page 64). Les tribus alliées des Français se font par ailleurs remarquer par leur férocité, comme en 1916 lors de l’attaque du bivouac des Touaregs Kel-Attaram (page 101).
Dans les années 1920, le colonisateur attise les rivalités entre Touaregs et Toubous et on sait que les aviateurs, tels que Antoine de Saint-Exupéry, redoutaient de tomber dans les mains de nomades sahariens d’origine berbère de la tribu Regueibat. Ceci d’autant que les rebelles savent que l’aviation peut servir à les repérer.
La grande différence entre les actions de l’armée française d’hier et d’aujourd’hui reste que la première pouvait s'appuyer sur un réseau de renseignements très conséquent. De plus « le soldat colonial comprit rapidement que pour vaincre son ennemi, puis le maintenir sous l’autorité de la France, il fallait mieux le connaître pour mieux le comprendre et ainsi établir les tactiques les plus appropriées » (page 325).
La figure du médecin colonial est largement développée. Sont évidemment citées les actions de Henri Laperrine d’Hautpoul, créateur au tout début du XXe siècle des compagnies de méharistes. Parfois stimulés par des conditions climatiques particulières les rezzou persistent, avec une grande intensité, durant l’Entre-deux-guerres. Toutefois dans les années trente, les forces coloniales ne sont plus attaquées.
Des pages intéressantes permettent d’approcher avec quelles difficultés se fit le ralliement à la France libre qui ne devient définitif et unananime chez les officiers qu’après le débarquement anglo-américain de début de novembre 1942.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations