Avis de Adam Craponne : "En partant par la Lorraine, Avec mes sabots, En partant par la Lorraine, Avec mes sabots, Rencontrai trois capitaines"
Cet ouvrage fut initialement récompensé par les Goncourt à sa sortie en 1907, il fut écrit par Émile Moselly; alors enseignant au lycée d’Orléans il avait pour élève Maurice Genevoix (il est nommé au lycée de Rouen à la rentrée 1909).
L’ouvrage écrit par un homme, qui natif de Paris, a passé toute son enfance dans une commune proche de Toul, commence ainsi dans un village au bord de la Moselle:
« Il pouvait être sept heures du matin, en novembre. Une aube pluvieuse filtrait du ciel bas, noyait les champs d'une désolation infinie. Les chaumes grisâtres, lavés par l'automne, revêtaient la terre d'une toison hérissée, pareille à un vêtement de miséreux. La pluie cessait par moments ; alors une buée d'eau se levait des bois, dont le moutonnement ondulait dans les lointains ; puis une déchirure livide s'ouvrait au flanc des nuages ; la pluie tombait en un ruissellement de cataracte, comme si toutes les eaux du ciel s'étaient ruées par cette ouverture.» (page 7)
Le pêcheur Pierre Noël et Marthe sont liés par de tendres sentiments. Voici le portrait de cette dernière :
« Celle-là véritablement ressemblait à une demoiselle de la ville, avec son col blanc rabattu, sa robe d’étoffe grise dessinant sa taille souple, ses bandeaux plats séparés par une raie. On voyait bien à la fraîcheur de son teint qu’elle restait à la maison, loin des hâles desséchants et des soleils qui mordent la peau. Sous ses longs cils noirs, son regard avait une douceur soyeuse, une profondeur pensive qui attirait. Jolie ? On n’en savait rien. Mais à la regarder longuement, de toute sa personne s’exhalait un charme qui finissait par vous prendre. Ainsi poussent, dans les haies, des fleurs chétives, maltraitées par les vents, mais dont l’odeur tenace, inoubliable, fait chanter dans notre cœur des rêves infinis de tendresse. » (page 11)
La Lorraine connaît alors des hivers très rigoureux et l’auteur est là pour nous le rappeler :
« L’hiver vint tout d’un coup. La chute des flocons de neige commença, emportés d’un vol cinglant et capricieux, comme des mouches. Puis ils tombèrent si dru qu’on ne voyait plus les côtes ; et les peupliers apparaissaient noyés dans une blancheur. Puis la tombée de la neige cessa : le ciel s’éclaircit et les champs s’étendirent, leurs ondulations s’adoucissant encore sous cette couche glacée. Des fumées montaient dans l’air froid, révélant la place où des villages étaient ensevelis. Jamais il n’était tombé tant de neige que cette année-là. Dans les jardins ouverts au vent, elle montait jusqu’au toit, murant les portes des "bougeries". Les gens ne sortaient plus, se calfeutrant auprès du poêle de fonte. Le soleil rouge, sans rayons, descendait dans le couchant pareil à une plaque de cuivre. L’air même paraissait mort, sans bruit. Les nuits étaient fourmillantes d’astres. Les vieux noyers se fendaient dans leurs vergers, et ils éclataient avec des craquements terribles. Au milieu de cette blancheur immense étalée sur les terres, la Moselle roulait ses eaux jaunâtres, livides, plombées ; des glaçons tournoyaient dans les places tranquilles, froissant les tiges des roseaux secs. »
Toutefois Pierre Noël envie ceux qui vivent sur les péniches et remontent ainsi jusqu’en Hollande. Quittera-t-il la Lorraine et avec qui ? Marthe pourrait en mourir de chagrin.
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