Avis de Adam Craponne : "Les Français de Tunisie était pour leur grande majorité d’origine italienne et souvent sicilienne"
Il s’agit de la reproduction de deux monologues qui portent deux œuvres du spectacle vivant. Clyde Chabot a effectué un voyage en Sicile au cours de l’été 2010, à la recherche de ses racines. En effet ses arrières grands-parents maternels étaient nés dans la plus grande île italienne et s’étaient installés en Tunisie alors que ce pays était devenu un protectorat français depuis peu.
La grand-mère de Clyde Chabot lui a transmis un certain nombre de valeurs culturelles qu’elle met sur le compte de la culture sicilienne de cette dernière, toutefois celles-ci sont communes à la société de la Belle Époque d’où qu’elle soit en Europe. Il est vrai que sa mère, ayant absolument voulu gommer ses origines italiennes, ne lui a rien transmis de cet univers, aussi il faut bien que Clyde Chabot attrape ce qu’elle peut au passage. Sa mère a par contre cultivé une certaine culture pied-noir et c’est donc quelques années plus tard un autre voyage qui conduit la narrratrice et sa fille vers la Tunisie.
Le jour où les chauffeurs de taxi tunisiens à l’aéroport arrêteront de donner une image déplorable de leur honnêteté, donc du pays, n’est malheureusement pas arrivé. C’est évidemment le cas avec notre narratrice. Le séjour à Tunis n’est qu’une étape nécessaire est c’est vers la frontière tuniso-algérienne que nos deux héroïnes se dirigent. Sa famille maternelle a vécu à Tébourba jusqu’en 1956 et c’est l’occasion de rappeler concrètement (la maison familiale avait été bombardée) les durs combats qui se déroulèrent là après que les Américains aient début 1942 débarqué au Maroc et en Algérie (voir sur le sujet notre présentation de l’ouvrage La campagne de Tunisie: Le retour de la France au combat 1942-1943).
La narratrice essaie de faire avec les souvenirs qu’elle a recueillis et cette qualité bien pied-noire de s’inventer des histoires pour rendre plus pittoresque et dramatique un récit :
« Ma mère m’avait informée qu’une personne de la famille était venue il y a quelques années dans ce village et qu’un habitant l’avait forcée à effacer les photos prises sur place » (page 32)
Ceci est une remarque critique personnelle mais elle me rejoint sur le thème du "on a dû tout laisser là-bas" (page 27).
Venue en plus aux lendemains (certes un peu prolongés) de la Révolution tunisienne (la Révolution de jasmin démarre en décembre 2010), pas étonnant que sorti de la capitale, elle n’arrive avec la peur au ventre dans le village. Toutefois l’accueil est chaleureux à son égard, à part du côté d’une bande de jeunes saouls du matin jusqu’au soir (mais que font les religieux pour ramener ces derniers vers les préceptes musulmans ?) et de dragueurs impénitents (voyager sans mari laisse la place plus facilement aux fantasmes habituels de certains Maghrébins sur les Européennes).
L'auteure dans son rôle de comédienne
Une petite musique de sincère culpabilité nous est jouée en sourdine comme ici :
« La peur aujourd’hui est le prix à payer pour les crimes d’hier, les martyrs de Bizerte, mille morts parce que la France voulait maintenir sa présence sur ce bout de terre, le plus au nord du continent africain » (page 43).
Un historien aurait plutôt parlé du bombardement de Sakiet Sidi Youssef en février 1958, les peut-être 1 000 soldats tunisiens étant tombés à Bizerte par la seule volonté de Bourguiba qui entendait porter à son crédit le retour d’un territoire tunisien qui était prévu à court terme. Bref, une fois de plus, Bourguiba fit preuve d’habileté politique au détriment de l’intérêt de sa population. Enfin l’auteure sera sensible au fait que j’ai recherché les paroles de son grand-père qui m’avaient fait sursauter lors de l’écoute du spectacle, je les ai trouvées tout à la fin du dernier paragraphe de la page 26. Ah oui, j’oubliais la Sicilienne sur la page de couverture ne montre pas ses cheveux car jusqu’au milieu du XXe siècle (y compris dans les campagnes françaises), sauf à être une femme légère on ne sortait pas "en cheveux".
Pour tous publics Peu d'illustrations
Renseignement au 014 69 92 69 07.
https://intensite.net/2009/agenda/etampes-91-spectacle-tunisia-la-communaute-inavouable-302923