Avis de Ernest : "Quand la rivale de Lawrence d’Arabie a-t-elle appris le massacre des Arméniens?"
Gertrude Bell était une Anglaise née en 1868 dans le comté de Durham et morte en 1926 à Bagdad qui fut une suffragette, infirmière, écrivaine, voyageuse, géographe, experte en politique extérieure, espionne, traductrice littéraire (du perse à l’anglais en particulier), administrative et archéologue.
En mai 1892 l’année de ses 24 ans, après avoir quitté Oxford, Gertrude Bell part pour Téhéran où son oncle Franck Laselles est ambassadeur auprès du shah de Perse. Elle y rencontre Henry George Gerald Cadogan le seul homme qu’elle ait voulu épouser, mais celui-ci meurt l’année d’après, suite aux conséquences de sa chute dans les eaux glacées du Lar, rivière du sud de ce qui deviendra l’Iran en 1935.
Durant les années qui suivent, elle parcourt une bonne partie des continents africain et asiatique. Dès le tournant du XXe siècle elle a appris à connaître nombre des peuples chiites (dont les Druzes) ou chrétiens qui peuplent le vaste empire ottoman de l’époque. Il est d’ailleurs dommage qu’une carte de l’empire ottoman avec ses frontières de 1914 inclut la région de Kars, alors peuplée pour une bonne partie d’Arméniens et de Kurdes, qui est russe depuis 1878 et le reste jusqu’en 1920. Parfois ses activités d’espionnage se font sous le parapluie de celle d’archéologue.
Alors qu’elle va aider à mener les opérations qui conduisent à la révolte des Arabes contre les Turcs, elle écrit :
« Aussi brutale et sanguinaire que la férule ottomane puisse être sur des frontières éloignées, elle est préférable, à ce que serait le pouvoir débridé des begs arabes ou des aghas kurdes. Si les sectes chrétiennes, les Yézidis persécutés, les misérables fellahs de toute croyance veulent se voir garantir prospérité et sécurité, c’est vers les Turcs qu’ils doivent se tourner. » (page 257)
Elle prédit à la fois la levée de bouclier des Arabes face à l’implantation juive et la montée en puissance de la dynastie saoudienne porteuse d’un wahhabisme intolérant vis-à-vis des autres formes d’islam et hostile aux idées de justice et liberté personnelle. Dans la liste des grandes aventurières de la fin du XIXe et début du XXe siècle, Gertrude Bell était largement méconnue des francophones. Non seulement cet ouvrage remédie à ce mal mais il est en grande partie sur un espace géographique en grande ébullition depuis la fin des années 1980 jusqu’à ce jour. Basée à Bassora (largement au sud de Bagadad) à partir de mars 1916, ville turque prise par les Anglais en novembre 1914, Gertrude Belle a dû entendre parler du massacre des Arméniens. Cet aspect n'est pas ici développé.
Pour connaisseurs Quelques illustrations