Avis de Adam Craponne : "Un prix Nobel de la paix pour un chef d’un état l’URSS que la Guerre d’Afghanistan a achevé"
Bernard Lecomte a été envoyé spécial permanent à l’époque où l’URSS ne savait pas qu’elle vivait ses dernières années. En effet son acte de décès date du 26 décembre 1991, elle a raté de peu son soixante-dixième anniversaire car le terme d’URSS n’apparaît que fin décembre 1922. Une chose est sure c’est que, contrairement à ce qu’ont pu avancer les historiens marxistes orthodoxes, les individus pèsent d’un poids certain sur le devenir des sociétés. N’exagérons pas tout de même car Staline stabilise dans une réaction thermidorienne souhaitée par nombre de bureaucrates mais toutefois il lui donne une tonalité sanglante qui se retournera contre nombre de ces mêmes bureaucrates. Par ailleurs si Gorbatchev évite que le système soviétique prenne fin dans une douleur excessive (on pense évidemment à celle qui aurait pu frapper en particulier les Allemands de l’est et les Baltes), il arrive à un moment où l’URSS, sauf à continuer à perdre de sa vitalité et de son prestige, ne peut que se réformer.
Comme beaucoup de personnages historiques, il y a pour Gorbatchev une pensée et des actions, toutefois les conséquences de la perestroïka sont d’un tout ordre que ce qu’il attendait. Lui souhaitait réformer la société communiste dans l’aspect qu’elle avait prise en URSS et maintenir a minima ce pays dans les régions qu’ils dominaient depuis 1945 (et si possible une zone d’influence sur les anciens pays de l’est). On sait qu’aujourd’hui les Pays baltes sont partis voler vers d’autres cieux et que la reconquête par Poutine de certains espaces se fait dans la violence (en particulier en Ukraine et Crimée). De plus l’éclatement de l’URSS a créé des conflits qui s’éternisent en Moldavie et dans le Caucase.
On apprend que Gorbatchev aurait succédé à Andropov en 1984 si les volontés de ce dernier avaient été respectées mais en Russie soviétique la falsification des testaments politiques remonte à Lénine… Seulement le camarade Konstantin Tchernenko meurt un an après son accès à ses nouvelles fonctions. On suit, avec intérêt, les tentatives de réformes de Gorbatchev et dans le détail le coup d’état de 1989 dont paradoxalement ne sortent ni vainqueur ses instigateurs ni celui qu’ils voulaient démettre puisque c’est Elstine qui rire son épingle du jeu. Et peu de temps après Elstine suspend le Parti communiste dont Gorbatchev est toujours secrétaire général. À partir de cette date, ce dernier « à l’évidence, a cessé de faire l’histoire – il la subit » (page 480). Sur ces vieux jours, il compare le parti présidentiel Russie unie au PCUS et prédit que Potine finira comme Brejnev (page 507).
Notons pour la petite histoire que Gorbatchev a été le seul homme d’état russe à ne pas supporter de boire de l’alcool (page 220). Dans l’année où on célèbre le centenaire des deux révolutions russes de 1917, il est particulièrement intéressant de lire cet ouvrage dense mais très clair dans sa rédaction. Si tous les journalistes qui écrivent des livres d’histoire pouvaient prendre en modèle ses méthodes, on aurait un très sensible rehaussement du niveau de ce qui paraît dans ce domaine.
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