Dans l’intimité de l’Empereur: Napoléon Ier, l’époux, le père, l’amant

Autour de la famille Bonaparte, il y a une floraison d'expositions en France et à l'étranger en 2019, année du 250e anniversaire de la naissance de Napoléon.  Le musée de La Roche-sur-Yon se devait de répondre à cet évènement puisque sous le Premier Empire, elle se nomme "Napoléon" et sous le Second Empire "Napoléon Vendée", la gare de cette cité garde d’ailleurs la trace de cette dernière appellation. Notons que la ville bretonne de Pontivy prit, elle, le nom de "Napoléonville" sous les deux empires.

Le musée de La Roche-sur-Yon a su trouver un thème original puisque l’exposition qu’il présente du 23 mars au 23 juin 2019, s’appelle Dans l’intimité de l’Empereur. Notons toutefois qu’un ouvrage était sorti chez Jourdan en 2018 avec ce même titre ; il était centré sur la vie civile de l’Empereur. Avec l’exposition qui se tient dans la préfecture de la Vendée (et présente quelques dispositifs ludiques appréciés tant des enfants que des adultes), du 23 mars au 23 juin 2019, on est là dans la vie de Napoléon Ier comme époux, amant et père mais aussi en prolongement dans le devenir de l’Aiglon (fait duc de Reichstadt par l’empereur d’Autriche), de Napoléon III (fils de Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais) et du fils de ce dernier plus de Victor Napoléon petit-fils de Jérôme Bonaparte et de Catherine de Wurtemberg) que l’on peut considérer comme l’ultime prétendant consistant au pouvoir en France.

Page 215, on a d’ailleurs la reproduction d’une affiche électorale de 1888 où Victor Napoléon réclame le pouvoir afin de constituer un gouvernement fort et réparateur qui assure la liberté religieuse, fasse respecter l’Armée, organise la Démocratie, et relève le sentiment de la discipline et de l’autorité ». Le slogan, déjà existant de 1873 à 1879 avec le Prince impérial, était « Tout pour le peuple, tout par le peuple ».  Notre avis personnel est que le boulangisme accéléra le déclin du courant bonapartiste ; ce dernier tenta en vain de manipuler le premier, il est vrai que certains royalistes étaient déjà sur le coup et qu’ils mirent le paquet (y compris financier).  De plus le bonapartisme se fondit dans un ensemble conservateur où il perdit ses spécificités.

Tout cela amena la réduction du nombre de députés bonapartistes à treize lors des élections législatives de 1893 qui suivèrent celles de 1889 marquées par une percée du boulangisme. Eugène Eschassériaux et d'autres députés de la Charente-Inférieure, département voisin de la Vendée, furent  parmi les derniers parlementaires à se réclamer du courant bonapartiste. Gustave Cunéo d'Ornano est très vraisemblablement l'ultime député de ce mouvement, il représente la Charente jusqu'en 1906 ( voir de Jean-Louis Berthet, Gustave Cuneo d'Ornano, le dernier bonapartiste charentais, chez Le Croît Vif ). 

La rédaction de ce catalogue d’exposition a été confiée à dix universitaires qui signent des articles très vulgarisateurs. Le livre est très illustré et il présente des documents très divers comme des statuettes, des bustes, des assiettes décorées, une écritoire, des chemises, des robes, des jouets…  

Après une introduction, on passe à divers chapitres respectivement nommés : "La jeunesse de Napoléon", "Napoléon dans sa bibliothèque : l’intimité d’un dévoreur de livres", "Napoléon, visages intimes", "Dans l’intimité de Napoléon, par le trou de serrure de la caricature", "Imprimer sa marque. Napoléon, une préfecture sur la carte du Grand Empire" (à propos de la ville de La Roche-sur-Yon), "Joséphine : l’alter ego de Napoléon" (c’est dans ce texte que l’on parle de la comtesse polonaise Marie Waleska), "Napoléon et Marie-Louise dans l’intimité du couple impérial", "Ma naissance et ma mort, voilà toute mon histoire" (autour du roi de Rome), "Exposer et diffuser l’intimité impériale ; enjeux publics des portraits de famille de Napoléon", "Hortense de Beauharnais, passeuse de mémoire", "Napoléon III, héritier de la maison Bonaparte", "L’héritage napoléonien après le Second Empire".

Chaque document peut être exploré par un lecteur attentif, car les légendes courtes mais instructives y aident. Ainsi, j’ai personnellement retenu une lithographie de 1867 sur le Prince impérial ; celui-ci, tel un chef gaulois, est sur un bouclier porté par quatre personnages. Ces derniers sont un paysan, un ouvrier, un bourgeois (celui-là largement dissimulé, ce qui rappelle le soutien de la bourgeoisie à un Louis- Napoléon qui la protégeait de nouveaux mouvements sociaux) et un zouave ; on remarque qu’il agite un rameau d’olivier, symbole de paix, ce qui ne manque pas d’apparaître aujourd’hui comme de l’humour noir quand on sait le nombre de guerres (ou conquêtes coloniales) dans lesquelles s’engagea la France sous le règne de Napoléon III.