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Du poil et de la bête - Iconographie du corps sauvage en Occident à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècle)

Du poil et de la bête - Iconographie du corps sauvage en Occident à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècle)
CTHS328 pages
1 critique de lecteur

Avis de Grégoire : "Au poil !"

Le moyen-âge offre une multitude de sources documentaires qui constituera sans doute le sujet d'études de nombreux historiens à venir. Enluminures en particulier, mais aussi tapisseries, sculptures, vitraux ... Cette somme infinie de témoignages semble parfois peu exploitée en comparaison de sa richesse : alors que le moindre monument antique fait l'objet de centaines d'études, des milliers de pages décorées et peintes au moyen-âge attendent encore d'être explorées. Florent Pouvreau s'y est justement attaqué, en choisissant pour axe d'étude la villosité, c'est-à-dire les représentations de corps humains couverts de poils. Ce sujet, à première vue presque loufoque, est en fait riche d'enseignement, et révélateur d'un changement de perception du corps d'une part, de la bestialité d'autre part, pendant les siècles du moyen-âge. L'étude porte plus particulièrement sur les siècles postérieurs au XIIe.

La première partie du livre recense les différents cas où la pilosité est représentée, et les correspondances avec la littérature courtoise. Le premier exemple est tiré de la Genèse : Esaü, fils d'Isaac et Rebecca. Il naît poilu et roux, signe annonciateur de son côté mauvais, alors que son frère jumeau Jacob sera le bon. Pourtant, les pères de l'Eglise, en particulier saint Jérôme et Grégoire le Grand, n'attachent que peu d'importance à cette particularité physique. Les poils sont-ils en train de se dé-diaboliser, dès le début du moyen-âge ? C'est en effet le mouvement que l'auteur constate à travers d'autres exemples bibliques ou tirés des romans du XIIe siècle : la villosité glisse progressivement du registre démoniaque au registre animal. D'autres significations peuvent cependant y être prêtées : signe de sexualité chez la femme en particulier. Cette partie est également une description de l'homme sauvage dans tous les états qu'il peut prendre et toutes les occasions qui le font apparaître. On le rencontre dans la noblesse comme chez les plus pauvres, dans des grandes fêtes comme dans des tragédies. Il semble constituer un être complexe de grande importance dans l'imaginaire médiévale.

La deuxième partie concerne les "éléments constitutifs" des l'homme sauvage, c'est-à-dire les rapports entre la sauvagerie et les différents concepts de bestialité, humanité, chevaleresque ... Qui est le sauvage ? Un fou, comme dans la culture celtique ? Un diable ? Un anti-chevalier ? Un fantasme amoureux ? A l'époque médiévale, il n'y a pas d'unité du genre humain, pas de modèle anthropologique unique. Le sauvage lui aussi répond à une multitude de facettes de cette humanité plurielle. Dans le cas de Merlin (issu de la légende arthurienne), c'est plutôt la marque du diable, d'une certaine "originalité surnaturelle". Dans le cas d'Orson (du roman en prose "Valentin et Orson", probablement XVe), le pelage représente la force et la vitalité. En règle générale, l'évolution des rapports entre animal et homme sauvage passe de l'identification vers la domination. Dans un autre chapitre, Florent Pouvreau analyse des scènes de chasse (au faucon notamment) qu'il perçoit comme allégories d'entreprises amoureuses, avec cette fois le poil comme élément à caractère sexuel.

La troisième partie explore le concept d'"ensauvagement" : les poils représentent la mise à l'écart de la société humaine. Soit de façon involontaire, à l'image de Nabuchodonosore, puni par Dieu dans l'ancien testament mais qui retrouvera finalement son humanité. Soit de façon choisie : c'est le lot des ermites et des pénitent(e)s. La pilosité devient alors synonyme d'indépendance, de retour à la nature, de pureté originelle et donc de grande valeur. Dans les deux derniers siècles, la peau recouverte de poils sera donc l'attribut de personnes idéales - saints notamment, à l'exemple de Saint Onulphe et même Marie-Madeleine (peut-être suite à une confusion avec Marie l'Egyptienne, la "belle devenue bête", celle-ci est souvent représentée avec des poils notamment dans les nombreuses acensions qui la mettent en scène).

Ce livre, adaptation de la thèse de Florent Pouveau (novembre 2011) est particulièrement riche en anecdotes, extraits de textes, mais surtout en illustrations en couleurs. Cela le rend agréable à consulter. Les supports sont variés et étudiés avec le souci des particularismes régionaux. Le sujet traité est cependant assez précis et abordé dans les détails (l'auteur utilise la méthode de l'analyse sérielle sur presque un millier d'images) ce qui réserve l'ouvrage à un public averti. Bibliographie abondante.

Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations Plan thématique

Grégoire

Note globale :

Par - 52 avis déposés - lecteur/trice régulier/ère

52 critiques
24/02/15
A noter aussi : le "mythe du bon sauvage" au XVIe siècle, suite aux questionnements sur l'humanité des indiens (on pense à la controverse de Valladolid en 1550 et 1551)
52 critiques
24/02/15
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Discussion

52 critiques
23/02/15
52 critiques
23/02/15
Emission sur ce thème, avec Florent Pouveau sur France culture : http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-l-homme-sauvage-34-2012-12-19
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