Avis de François S.F. : "Du vrai et du faux"
C'est donc en dépit des faits maintenant établis que les auteurs de fiction écrivent des livres qui entretiennent des idées aujourd'hui complètement dépassées.
Et pourtant le livre que voici, Le chevalier et le diable de Bernard Jouve, est un très beau et bon roman, qui mêle le vrai et le faux. Il y est question d'un chevalier qui répond au nom d'Aymar de Mortemer, qui appartient à l'ordre des Hospitaliers et qui est en possession d'un manuscrit écrit par un Templier, texte qui l'interpelle. Aymar, lui, vit au XVe siècle et participe en 1480 à la résistance héroïque de Rhodes face aux troupes envoyées par Mahomet II le conquérant de Constantinople en 1453, et commandées par Misach Paléologue, membre de la maison impériale byzantine qui avait apostasié sa foi chrétienne et s'était mis au service du Sultan. Le courage du grand-maître hospitalier, Pierre d'Aubusson, est admirablement décrit par Bernard Jouve, qui écrit fort bien.
Mais je ne souscris pas au parcours initiatique d'Aymar de Mortemer, qui, voyant les tenants de deux fois, la chrétienne et la musulmane, s'affronter dans des luttes sanguinaires, aurait pris ses distances avec la religion catholique pour suivre les "leçons" apprises de son auteur templier et glisser vers l'hérésie et l'adhésion à un satanisme de raison mêlé de déisme reconnu comme seule voie possible pour des hommes épris de vérité en ce monde où règne la violence mélangée à de hautes aspirations spirituelles et humaines.
Tout cela, on m'excusera, m'apparaît contraire à la réalité historique vécue par les Templiers qui ont certes été ébranlés dans leurs certitudes avec les injustices et les crimes commis contre eux par Philippe le Bel mais qui n'ont certainement pas épousé de telles manières de voir que celles que des centaines de romanciers et auteurs à l'imagination fertile et échevelée veulent bien leur prêter. Il faut couper le fil qui ferait des Templiers des frères en esprit des Cathares, des Francs-Maçons et des Rose-Croix ou des blasphémateurs. Leurs richesses consistaient en possessions foncières et immobilières, en fermes-commanderies et pas en trésors accumulés qui leur auraient permis d'assurer une survivance secrètement dissimulée et entretenue par leur appartenance à de nouveaux réseaux d'influence. Tout cela est pure imagination et élucubration.
J'ai bien aimé ce livre mais je ne suivrai pas intellectuellement l'auteur dans ses démonstrations.
François Sarindar, auteur de Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent (2019) et de Jeanne d'arc, une mission inachevée (2015) coup de coeur !
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