Avis de Aby Warburg : "Limites et ouvertures de l'hellénisme."
Sagesses barbares a le mérite de présenter une situation globalement acceptée pour en tirer les nuances et les faussetés. Ainsi, le livre d'Arnaldo Momigiano rend hommage à l'hellénisme antique pour ce qu'il fut, tout en lui joignant sans ombrage l'apport des "sagesses barbares" qui participèrent à l'évolution du phénomène. Pendant trois siècle environ (Vème - IIème siècle av-JC), la Grèce domine le monde connu en Occident par sa culture et la finesse de son organisation politique. Ses divinités, ses auteurs et savants, son mode de vie, fascinent les contemporains. D'abord très concentrée sur elle-même territorialement, la Grèce réussit à convaincre par sa culture tout en se débattant contre ses voisins (Perses essentiellement) qui tentent de la conquérir. Puis Alexandre le Grand entame ce qui sera la phase de conquête la plus gigantesque de l'Antquité avant l'entrée en scène des Romains.
L'hellénisme est à son point culminant en terme de domination. Au IIème siècle avant Jésus Christ, Rome dévore sa mère culturelle et reprend à son compte la culture grecque pour l'imposer aux Barbares. La majeure partie de l'Orient étant déjà hellénisée, c'est au tour des régions du Nord de l'Europe de connaître le mode vie grec par la conquête romaine. C'est à cette époque que la Grèce cesse de se concentrer maladivement sur elle-même et accepte un état de fait : l'existence d'autres cultures respectables. Ce fut ses philosophes et ses explorateurs qui permirent à Rome de découvrir puis conquérir les territoires environnants.
Mais si cet état des lieux historique est connu, beaucoup moins racontée est la participation des cultures extérieures au monde antique. Momigiano relate ainsi cette histoire de rencontre entre Grecs, Perses iraniens, Juifs et Celtes autour de cette Méditerranée si rassembleuse. Ignorer ce double-sens civilisationnel revient à traiter l'hellénisme de façon erronée. Il suffit, pour se rendre compte de cette réalité, de penser aux dynasties hellénistiques de l'Orient d'après Alexandre, aux travestissements du dictateur Marc-Antoine qui se met à vivre à l'orientale, ou à la jouissance des Celtes romanisés ou des Germains barbares lorsqu'ils accédèrent aux "bienfaits" de la culture greco-romaine. Un excellent livre, court bien que sans doute difficile à lire du fait des nombreux auteurs cités et des événements peu connus qui y sont commentés, mais qui autorise à repenser un peu le concept d’hellénisme, et qui permet également, pourquoi pas, une tentative de projextion sur notre monde moderne dominé, au niveai civilisationnel, par la civilisation anglo-saxonne.
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