Avis de Grégoire : "Rattrapage pour ceux qui ont raté l'expo"
Il s’agit du catalogue de l’exposition “la Grèce des origines, entre rêve et archéologie”, qui s’est tenue jusqu’en février 2015 au musée d’archéologie nationale de St Germain en Laye. Le catalogue raconte l’histoire de la découverte des civilisations égéennes et de leur exploration au XIXe et XXe. C’est une excellente approche pour montrer la richesse culturelle des civilisations concernées (particulièrement cycladique, mycénienne et minoenne). On a donc un plan chronologique basé sur les découvertes archéologiques. En accompagnement, les photos des objets présentés lors de l’exposition, chacun accompagné d’un cartel explicatif.
Les prémices de l’archéologie préhistorique grecque remontent au XIXe siècle. Des collectionneurs, qu’on ne peut pas encore appeler archéologues, déterrent des haches polies du néolithique. Leur intuition remarquable pose les bases des recherches à venir, encore floues et hasardeuses. Par l'intermédiaire d'un obscur commerce à destination des passionnés, les cyclades deviennent rapidement le centre des recherches. Les objets échangés prennent le nom de cycladica. En 1866, une éruption à Santorin attire l'attention de l'École française d'Athènes, qui découvre sous les strates d'une éruption antique le village d'Akrotiri. 2000 ans avant notre ère, ce port, le plus proche de la Crête - et qui bénéficiait donc de nombreux échanges avec cette île -, possédait déjà des rues pavées et un système de tout-à-l'égout ! (La fresque monumentale appelée Xestè 3 fait l’objet d’une étude particulière en fin d’ouvrage).
De 1870 à 1890, à la recherche de la mythique Troie du roi Priam, Schliemann découvre à Mycenes une civilisation de l'âge de bronze égéen. Cette découverte, qu'on doit à sa passion pour Homère, passionne l'opinion publique et fonde les bases de l'archéologie moderne. Entre autres découvertes, de nombreux objets en or dont le masque d'Agamemnon, et la fameuse porte aux lions.
Au début du XXe siècle, des fouilles en crête révèlent le palais de Minos à Cnossos. L'anglais Evans, qui croit y trouver un palais mycenien, met au jour sans le savoir la civilisation minoenne. Il fait recouvrir le palais de fresques inspirées autant des restes de peintures intactes que de l'art du début du XXe. Les peintres Gillieron père et fils seront les artistes les plus impliqués dans cette recherche artistique. (Voir en particulier le “prince aux fleurs de Lys”, inspiré d’une fresque de Cnossos, mais dont la version “ré-actualisée” présentée en couverture de l’ouvrage date de 1932 !).
En parallèle, dans le nord de la Grèce (en Thrace) et dans les balkans (en Bulgarie en particulier), c’est une autre civilisation de l’âge néolithique, donc encore plus ancienne, qui sort de terre. Des archéologues de l’Ecole française d’Athènes fouillent des collines artificielles (“tells”), qu’ils croient d’abord être des tumuli (c’est à dire des monuments funéraires) mais qui correspondent en fait à des restes de maisons et d'ateliers préhistoriques.
De manière générale le début du XXe siècle connaît une véritable démocratisation de la “grèce des origines”. Cela fait l’objet d’une grande partie de l’ouvrage. Le public accède aux dernières découvertes archéologiques à travers des revues, des publications, ainsi que des premiers voyages touristiques à Troie, Mycenes et Cnossos. L’exposition universelle de 1900 est une autre occasion de faire découvrir ces civilisations perdues : le tombeau d’Agamemnon y est reconstitué. Paris devient une véritable “cité minoenne” : Proust évoque Minos, Fortuny s’en inspire pour dessiner des vêtements, Bakst pour réaliser des costumes et des décors de théâtre. Pendant la première guerre mondiale, un débarquement en thessalonique par ce que l’on appellera l’armée d'orient ouvre à nouveau le terrain. L’armée assure la protection des lieux, protection qui devient vite étude des antiquités.
En guise de conclusion, l’ouvrage présente un chapitre sur l'art égéen (en particulier minoen) dans la BD, le cinéma et même la mode (collection Lagerfeld 1994 inspirée des fresques D'Akrotiri).
Un livre présentant le double intérêt de présenter l’Histoire des découvertes archéologiques, avec l’intérêt croissant de l’Europe pour le monde égéen antique (la partie “rêve”), et celle de ces civilisations fascinantes (la partie “archéologie”). La richesse artistique de ces peuples (tout particulièrement les minoens) se prête bien au format “catalogue” de l’ouvrage : très nombreuses illustrations et photographies. Une frise chronologique est présentée tout à la fin de l’ouvrage, il aurait éventuellement pu être utile d’en ajouter d’autres au fur et à mesure des différents chapitres. L’exposition dont est issue ce catalogue prouve qu’aujourd’hui encore l’intérêt pour les origines de la Grèce est bien réel. Il est intéressant de noter qu’à ce titre, l’exposition s’inscrit elle-même dans le contexte qu’elle décrit.
Masque d'or d'Agamemnon, porte aux lions de Mycene, palais de Cnossos
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations