Avis de Adam Craponne : "Le point sur les frères trois points, sous réserve d’erreurs de calcul"
Cet ouvrage avait connu une première édition dans une collection plus luxueuse en 2002. La thèse de l’auteur s’intitule L’espace des francs-maçons: une sociabilité européenne au XVIIIe siècle et ce que l’ouvrage apporte de nouveau concerne presque uniquement cette période, quoique par exemple le développement sur les efforts ce coopération internationale entre francs-maçons et de promotion de la SDN dans l’Entre-deux-guerres ne manque pas d’intérêt. Ce dernier point a d’ailleurs déjà largement développé par d’autres et nous-mêmes avions signalé qu’un auteur franc-maçon de romans scolaires faisait passer, dans son récit fictionnel, une connaissance de la SDN à des élèves de fin de scolarité primaire.
Même si le chiffre des francs-maçons est donné pour nombre de pays à la date de 2008, l’ouvrage est loin de fournir des informations au-delà des années 1950 (il est donc vain d’aller chercher ici des informations sur le renouveau maçonnique dans les pays de l’Est de l’Europe), à quelques rares exceptions près ; de plus l’Europe en question est celle de l’Ouest au sens strict pour les XIXe et XXe siècles. En Hongrie la franc-maçonnerie était déjà interdite sous le régent Horty, si bien que l’on a trois-quarts de siècle de mise en sommeil de la société en question.
Les Pays scandinaves n’apparaissant quasiment pas, à l’exception de la Suède et l’on peut suivre le parcours de Carl-Gustaf Tessin, initié dès 1735 par le comte Wrede-Sparre ; ce pays eut d’ailleurs un roi franc-maçon en la personne de celui qui naquit Jean-Baptiste Bernadotte. D’autre part aujourd’hui en Norvège la proportion de francs-maçons doit être environ de 0,3 % soit un taux très sensiblement supérieur à la France où il est de 0,2% ; rappelons que jusqu'en 1814 la Norvège relève du roi du Danemarck et que c'est donc de l'attitude des souverains danois vis-à-vis de la franc-maçonnerie qu'il aurait fallu parler.
Remarquons à ce propos que dans cette page 475, où sont donnés les pourcentages de francs-maçons par rapport à la population, il y a une erreur de calcul (et non faute de frappe) pour l’Allemagne, on n’est pas à 0,17 mais à 0,017%, ceci s’expliquant par le fait que la franc-maçonnerie fut décimée entre 1933 et 1945 dans ce pays. D’autre part ce tableau nous montre qu’il y a 3 000 francs-maçons en Islande ce qui fait nettement moins de 1% par rapport à la population du pays et non 14,5%. Cette erreur de calcul place en tête l’Islande pour le taux d’initiés alors que c’est l’Angleterre qui serait dans ce cas, mais ce qu’on aurait aimé aussi c’est le chiffre de francs-maçons pour le Royaume-Uni.
Pierre-Yves Beaurepaire revisite l’histoire de la franc-maçonnerie française en s’appuyant sur les archives confisquées par les Allemands puis récupérés par les Russes et enfin renduEs à la France en 2001 et celles encore à la bibliothèque de Minsk et qui y resteront sûrement à jamais (on compte trente manuscrits et six cent pièces d’archives autour de la franc-maçonnerie).
L'ouvrage est divisé en six chapitres, le premier chapitre est intitulé "Le temps des pionniers" ; l'auteur y tord le cou en particulier à l’idée que c’est la première génération des jacobites exilés en France qui est à l’origine de la franc-maçonnerie française, pour lui c’est la deuxième génération.
Avec le second chapitre, on suit pas à pas la naissance des premières loges maçonniques dans le Saint Empire romain germanique, en Italie, en Russie (avec des focalisations sur Saint-Pétersbourg, Moscou et les Pays baltes), au Portugal et en Angleterre (où est traitée évidemment la question de l’influence huguenote). Dans certains pays, comme le Portugal, l’influence de l’Église casse à certaines périodes le dynamisme du développement.
Le chapitre suivant s’intéresse au flux d'échanges entre maçonneries de divers pays, relevant ce qui les favorisent et ce qui les contrarient. Le quatrième chapitre est nommé "Franc-maçonnerie, Aufklärung et Lumières radicales", le suivant s’intéresse aux rapports ambigus que les francs-maçons entretiennent avec l’État, pointant les souverains qui les protègent (Frédéric II en Prusse ou Joseph II en Autriche). Au XIXe siècle, les francs-maçons sont à raison perçus dans certains pays plus ou moins autocratiques comme porteur d’idées libérales susceptibles de bouleverser la société du pays en question, aussi une certaine répression s’exerce contre eux.
Le dernier chapitre évoque comment la franc-maçonnerie a réagi face aux deux guerres mondiales et à la Guerre froide. On apprend de multiples informations au gré de la lecture, comme page 468 le fait que c’est la franc-maçonnerie belge qui est la première à abandonner la référence au Grand Architecte de l’Univers en 1871, soit six ans avant le Grand Orient.
Pour connaisseurs Aucune illustration