Avis de Adam Craponne : "Louis XV a-t-il plus travaillé pour l’intérêt du roi de Prusse que pour celui de ses sujets ?"
Voici un ouvrage qui rappelle que la majeure partie du XVIIIe siècle est pour la France une époque de changements en divers domaines. Ces ruptures débouchent sur la constitution d’éléments qui vont constituer le socle de la modernité. Ce siècle dit "des Lumières" marque la fin d'un monde qui vivait sur un certain nombre de traditions ancestrales. De nouvelles dynamiques économiques, sociales, politiques apparaissent en lien avec une effervescence intellectuelle, culturelle et morale inédite.
Jean Meslier, curé d’un village proche aujourd’hui de Charleville-Mézières, décède en 1729. Il est le premier à professer ouvertement son athéisme même s’il ne le fait pas ouvertement de son vivant dans Mémoires des pensées et sentiments de Jean Meslier :
« Pesez bien les raisons qu’il y a de croire ou de ne pas croire, ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige si absolument de croire. Je m’assure que si vous suivez bien les lumières naturelles de votre esprit, vous verrez au moins aussi bien, et aussi certainement que moi, que toutes les religions du monde ne sont que des inventions humaines, et que tout ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige de croire, comme surnaturel et divin, n’est dans le fond qu’erreur, que mensonge, qu’illusion et imposture. »
L’auteure consacre sa première partie à l’évolution de l’économie française durant cette époque, pointant tant les inerties que les développements. Le développement urbain se fait de façon importante à Paris, Bordeaux, Nantes, Best, Montpellier et Nancy. On ne s’étonnera pas de voir relever la faiblesse des structures bancaires, la triste fin de la banque de Law n’ayant rien fait pour améliorer la confiance dans les établissements de crédit et le papier-monnaie.
La seconde partie traite des mutations de la société française ; il y a un renforcement des écarts sociaux et une contestation de la société des ordres. On note une paupérisation d’une frange de la population et des mesures royales sont prises contre la mendicité en 1724 et 1764. La question de l’engagement de la noblesse dans les affaires est posée en 1757 par un ouvrage La noblesse commerçante de l’abbé Coyer. On retiendra ces lignes, annonciatrices de conflits :
« Jusqu’en 1757, plusieurs édits publiés permettent à la haute noblesse, volontiers entreprenante, de contourner aisément cet obstacle principalement juridique. Des protestations s’élèvent alors du côté des corps de métier : ils y voient la concession d’un nouveau droit à la noblesse. Celle-ci, déjà exempte d’impôt, pourra de surcroît s’enrichir par l’activité lucrative du commerce. Les corporations marchandes revendiquent en compensation la suppression des privilèges fiscaux et l’égalité des devoirs et des devoirs.
Créer une élite ouverte et renouvelable fondée sur la propriété, la fortune et les talents et non plus sur le primat de la naissance, voilà la revendication principale de la bourgeoisie. Un tel modèle implique la substitution des ordres par une société des classes » (page 60).
Le troisième volet s’intitule "Crises européennes et conflits coloniaux au XVIIIe siècle", on y évoque évidemment la publication de L’encyclopédie, le développement de la pensée de l’économie libérale et plus largement de tout ce qui fait l’univers culturel de cette époque. Deux pages sont consacrées à la franc-maçonnerie pour souligner en particulier que des membres des trois ordres s’y rencontrent.
La quatrième partie s’intéresse aux guerres qui se déroulent tant en Europe qu’aux colonies ; ceux qui l’ignorent apprendront que l’expression travailler pour le roi de Prusse est liée au contenu du traité de paix d’Aix-la-Chapelle de 1748 qui met fin à la Guerre de Succession d’Autriche. Est posée la question du coût financier, pour le royaume de France, du soutien aux rebelles américains en conflit avec le Royaume-Uni. Le dernier volet s’intéresse à l’organisation de l’État et donc aux crises de celui-ci avec en particulier la rébellion parlementaire et la question des finances publiques.
Pour connaisseurs Aucune illustration