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Quand Voltaire fabule

Quand Voltaire fabule
L’Harmattan299 pages
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Avis de Zaynab : "Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir que Mesrour était borgne (Le Crocheteur borgne)"

Cet ouvrage est sous-titré L’Esprit des fictions saisies par la philosophie. Il a pour auteur Jean Goldzink, un spécialiste de la littérature française du XVIIIe siècle, qui a été maître de conférences en littérature française à l’École normale supérieure. Il avait déjà donné deux ouvrages autour Voltaire à savoir Voltaire entre A et V et Voltaire: la légende de Saint Arouet Voltaire plus Voltaire, Écrits satiriques. Anthologie.

L’auteur dresse la liste des vingt-sept récits fictionnels en prose de Voltaire ; ils sont classés par ordre de composition. Ce classement est très différent de celui de l’ordre de parution.  Ainsi le premier à avoir été fini rédigé, l’année 1714 en l’occurrence, ne paraît que soixante ans plus tard ; il s’agit du Crocheteur borgne.   Cette publication se fait quasi simultanément avec celle de l’Histoire de Jenni qui est imprimée à peine achevée. Le conte Cosi-Sancta terminé en 1716 est la seconde œuvre écrite par Voltaire, elle est publiée trente ans plus tard.

On sait que Voltaire est le pseudonyme choisi par François-Marie Arouet    en hommage à un village de la région des ancêtres de sa famille, à savoir Airvault en Poitou. Dans Candide, Voltaire conçoit d’ailleurs un Eldorado où la campagne prospère entoure une ville rénovée. Dans cette dernière la bourgeoisie affirme sa puissance financière et stigmatise une noblesse  provinciale incapable d’adapter l’économie agraire de ses domaines mais entendant faire montre d’un orgueil démesuré.

À la Belle Époque, les municipalités républicaines multiplient les rues au nom de Voltaire, certaines (comme notamment Belfort) allant même jusqu’à nommer une artère passant devant une église du nom de cet homme de lettres. Voltaire est alors choisi comme l’auteur phare de la lutte contre le cléricalisme. Jean Goldzink disserte sur les opinions exprimées dans ses romans de cet homme engagé du XVIIIe siècle en matière de religion. On sait que notre homme de plume n’était point athée mais déiste et prônait la tolérance. Ce dernier combat le range dans les promoteurs de la laïcité. À la page 264, Jean Goldzink avance  que d’ailleurs le philosophe ne doit pas se contenter de propager la tolérance mais qu’il doit aussi ruiner la superstition et accréditer le déisme ou le théisme (affirmation de l'existence d'un Dieu personnel, unique, cause du monde).

Jean Goldzink reprend ici un certain nombre de textes parus antérieurement, ainsi une étude autour de Candide date d’un demi-siècle. Un autre exemple est son chapitre "Déisme, histoire, fiction" qui reprend un texte éponyme donné comme contribution pour l’ouvrage Voltaire philosophe, publié en 2019 sous la direction de Sébastien Charles et Stéphane Pujol. 

Pour Jean Goldzink la distinction entre contes et romans est inadaptée et arbitraire pour caractériser les écrits de cet écrivain de l’époque des Lumières. Outre les questions touchant à la question de la divinité, apparaissent la pensée économique d’un Voltaire profondément libéral, l’univers féminin d’ailleurs devant faire face parfois au désir masculin, les dimensions de l’optimisme, la géographie voltairienne, la question de la vérité opposable à l’erreur, et en prolongement les notions de bien et de mal.

Jean Goldzink n’hésite pas, à la page 281, à établir une liste des tares à reprocher à Voltaire. Elles démarrent avec son initiative de s’auto-anoblir à son discours admiratif pour l’islam pour mieux dévaloriser le christianisme, en passant en particulier par la rumeur qu’il colporte sur sa santé défaillante pour voir souscrire sur lui des rentes viagères dont le revenu est investi parfois dans des entreprises négrières. Ajoutons personnellement que dans Essai sur les mœurs et l'esprit des nations, Voltaire écrit sur ce dernier sujet: « Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir ».

Jean Goldzink renvoie assez souvent aux idées de penseurs du XVIIIe siècle, tels Locke, Leibnitz, Holbach ou Kant mais également à des hommes de plume de diverses époques et de différents types d’écrit comme en particulier Pierre Corneille, Marivaux, Shakespeare, Jean Cocteau, Charles Péguy, Stendahl, Flaubert ou Alfred de Musset.

 

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Zaynab

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