du 12 au 18 octobre 2020 à La Roche-sur-Yon
par Alain Chiron
Comme toutes les années, nombre de films présentés, souvent en avant-première pour la France, ont le plus grand intérêt historique. Les plus intéressants de ce point de vue sont ceux dont nous allons parler.
Nous commencerons par celui qui a reçu ex-aequo le Prix du jury, à savoir The world to come (tourné en 2020) avec comme réalisatrice Mona Fastvold. Il s’agit de l’adaptation d’une nouvelle de Jim Shepard. D’une durée de 98 minutes, il présente une action se déroulant dans le nord-est des États- Unis, aux limites de la colonisation de l’époque, pour une période tournant autour du milieu du XIXe siècle.
Deux couples voisins, vivant de l’agriculture, se fréquentent. Toutefois la relation, entre une des femmes qui vient de perdre une jeune enfant et une seconde qui ne peut en avoir, prend un contour progressivement sentimental. Il s’agit là d’une histoire sensuelle qui est née du peu d’intérêt que les maris portent à leur épouse. L’une d’entre elles finit d’ailleurs par se refuser à son mari ce qui est pour nous l’occasion de connaître de nombreux passages la Bible portant l’idée que la femme ne dispose pas de son corps et qu’elle se doit de répondre aux désirs de son époux. Les splendides paysages sont parfois agités par des tempêtes d’une violence semblable à celle qui était rencontrée
dans Le Magicien d’Oz.
Notons que fut projeté aussi First Cow de Kelly Richard, avec une action au début du XIXe siècle dans l’Oregon, terre alors encore majoritairement peuplée d’indiens et de trappeurs. On est là face à l’adaptation de The Half-Life, un roman de Jonathan Raymond.
C’est l’histoire d’une amitié entre un des premiers émigrants chinois aux USA et un cuisinier d’origine européenne. On en apprend plus sur le commerce des peaux qui faisait vivre tout l’Oregon et sur la relation de l’homme face à une Nature encore largement vierge dans cet espace particulier.
Le film Louxor de Zeina Durra a reçu également le Prix du jury, il conte le séjour de Hana dans l’univers des pyramides égyptiennes, une doctoresse américaine rentrant d’une mission humanitaire liée au conflit syrien actuel, et vient se ressourcer.
Elle retrouve là un archéologue, également originaire des USA, avec qui elle avait eu une relation sentimentale une quinzaine d’années auparavant. Les deux héros sont animés par des sentiments nuancés qui explorent le traumatisme de la rupture, la culpabilité mais aussi le chemin du rétablissement. Des anecdotes, au sujet des touristes mystiques qui se rendent à Louxor, ne manquent pas de sel et bien entendu la vision de ces pyramides ainsi que des fouilles qui s’y réalisent encore est renouvelée.
Ceux qui s’intéressent aux conflits dus à l’éclatement de l’URSS savent que la Transnistrie, l’Ossétie, du sud, l’Abkhazie, le Haut-Karabagh, la Crimée et la région du Donbass sont en situation critique à ce jour. C’est cette dernière région qui est le lieu de l’action de The Earth is blue as an orange, un film lituano-ukrainien d’Iryna Tsilyk.
Une mère et ses quatre enfants vivent dans une petite ville à la limite du front, cette cité reçoit épisodiquement des bombardements entre 2013 et 2019. Le père a émigré en Amérique. Toute la famille est passionnée par le cinéma et on filme son quotidien. Non seulement celui où il faut se protéger des conséquences de la guerre mais celui des joies, des espoirs et des
évènements les plus divers (dont des spectacles). L’Ukrainienne Iryna Tsilyk filme donc cette famille qui parfois fait aussi son propre cinéma. Le titre du film, reprend un vers d’Éluard qui d’ailleurs avait inspiré un album de Tintin, la vie en première ligne d’un conflit (et pas du corinavirus) est d’essence surréaliste.
L’œuvre cinématographique la plus intéressante du point de vue historique est quasiment un thriller psychologique. Dans Curveball de l’Allemand Johannes Naber, on suit (avec quelques licences fictionnelles) la suite des évènements qui permit de déclencher la Guerre d’Irak en 2003.
Un réfugié irakien, cherchant à obtenir un passeport allemand, avança fin 1999 que des laboratoires mobiles
permettaient de préparer des armes biologiques sous la houlette de Saddam Hussein. Bien que les Allemands soient revenus, bien avant 2003, sur la confiance qu’ils avaient prêtée à cet exilé, les Américains justifièrent l’attaque de l’Irak comme prévention de l’utilisation d’armes chimiques possibles par Bagdad. On est là face à un enchaînement qui se révèle une vraie satire des relations
que les états entretiennent avec leurs services d’espionnage.
En lien avec l’exposition de ses œuvres au CYEL de La Roche-sur-Yon, a été proposé un film Je voulais me cacher (ou Volevo nascondermi) de l’Italien Giorgo Diritti autour de l’ensemble de la vie de son compatriote Antonio Ligabue (toutefois né en Suisse), un artiste qui a beaucoup de liens avec le Vendéen Gaston Chaissac (quoique né à Avallon dans l’Yonne).
Le musée des Sables-d’Olonne a une large collection des œuvres de ce dernier. Ce sont deux peintres qui n’ont jamais suivi le moindre cours de dessin et qui ont vécu fort longtemps face à l’hostilité des villageois de la commune où ils habitaient. De grandes différences existent dans leur production, Chaissac est dans l’art brut avec
une grande originalité dans ses représentations de personnages, alors que l’Italien est plutôt dans la représentation du réalisme avec des notes d’originalité dans l’expression. Si Gaston Chaissac fit des séjours à l’hôpital ou en sanatorium du fait d’une tuberculose, par contre Antonio Ligabue connut plusieurs longs séjours en hôpital psychiatrique. Le film s’attarde notamment sur ces moments.
Fut également proposée, Problemos une œuvre d’Éric Judor qui était un des invités du festival.
Autour d’une pandémie, elle fit magnifiquement écho à l’actualité. Réalisée en 2017, elle donne à découvrir une communauté altermondialiste se nourrissant de mots autour de l’écologie, le végétarisme, la non-violence, le féminisme et le refus des étiquettes ainsi que des objets de consommation. Les discours d’avant l’épidémie ne manquent pas de sel dans la mesure où ils sont caricaturaux à l’excès et sont pharamineux les bouleversements apparaissant après l’apparition de la pandémie. On est dans la fable, avec une morale peu optimiste sur la nature humaine.