Exposition sur le Front populaire à Montreuil

Nous publions ci-dessous, en tant que tribune libre, le texte d’Adam Craponne


Exposition 1936 Nouvelles images, nouveaux regards sur le Front populaire

du 9 avril au 31 décembre 2016 au Musée de l’histoire vivante Parc Montreau à Montreuil

Il s’agit évidemment plus de nouvelles images que de nouveaux regards. Le  discours très pédagogique colle à la doxa du peuple de gauche sur l’événement. Certes certains angles d’attaque thématiques valorisent soit des préoccupations populaires (comme la dimension sportive) soit font des liens avec notre présent (puissance de l’extrême-droite et importance du nombre des réfugiés), mais on est loin de tout discours iconoclaste (le non-oubli des procès de Moscou ne pouvant passer que pour une reconnaissance d’un fait historique connu).

Il n’y a pas seulement la reprise d’une iconographie présente dans les manuels scolaires d’histoire, que cette production soit d’ailleurs rentrée immédiatement dans l’album (comme la photographie de la tribune officielle du 14 juillet 1936 avec un Blum poing levé et un Thorez faisant un signe de la main à la foule) ou ultérieurement (comme celle des couples en tandem de Pierre Jamet). Sont aussi présentes des photographies issues de fonds familiaux et d’archives de l’univers politique et syndical.

0 FPLes documents phares seront pour certains visiteurs la photographie de la manifestation du 14 juillet 1936 de soutien au Front populaire avec des femmes entièrement voilées levant le poing, les deux détournements pour le compte du PCF de la fameuse affiche du bolchévik au couteau entre les dents (cette dernière reprenant d’ailleurs une image produite durant la Grande Guerre où un tirailleur sénégalais est  censé pouvoir terroriser les boches), la petite collection de photographies d’enfants au poing levé.

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On est d’ailleurs à une période clé où le dessin de presse est encore très abondant pour illustrer un contexte alors que la photographie devient un support très conséquent. Parmi les caricatures de Raoul Cabrol (qui dessine entre autre pour L’Humanité) on relèvera d’un côté Pierre Laval et d’autre part Henri de Kérillis dans une adaptation de l’affiche publicitaire pour le thermogène réalisée par Leonetto Capiello en 1910; l’affiche de ce dernier est d’ailleurs actuellement visible dans l’exposition consacrée à Apollinaire au musée de l’Orangerie (jusqu’au 18 juillet 2016).

Du point de vue muséographique, on note la reconstitution d’une colonne Moriss servant à présenter des reproductions de premières pages de journaux d’époque, un cabine de bains, un poste de radio et un sol destiné à suggérer divers sports collectifs dans la salle montrant (grâce à des photographies de France Demay) le sport populaire organisé par la FCGT, une vitrine avec un uniforme de soldat républicain espagnol, des petits films documentaires et des ambiances sonores.

L’exposition ouvre sur le choix fait, par diverses personnalités représentatives de mouvements politiques, syndicaux ou associatifs, pour chacun d’une photographie significative de l’événement. Pour symboliser le Front populaire, le Grand Orient choisit le portrait du ministre de l’éducation nationale Jean Zay. Se sont exprimés également par exemple la CGT, la CGT/FO, la Fédération anarchiste, Yvette Roudy (au nom des féministes), le PCF, le Parti socialiste, Lutte ouvrière…

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Suivent des salles qui rappellent les origines du Front Populaire (en lien avec la montée de l’extrême-droite), la victoire électorale (pendant la campagne le PCF a pris son tournant de revendication de l’héritage républicain), le mouvement des grèves (avec une valorisation de l’importance de l’action paysanne impulsée par Renaud Jean), la question espagnole, l’exposition universelle de 1937 (avec un face à face entre le pavillon allemand et le pavillon soviétique), les procès de Moscou, l’hommage à la Commune, les congés payés et les auberges de jeunesse, les mémoires du Front populaire telles qu’elles ont été valorisées tous les dix ans (à compter de 1936), le sport populaire.

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On gagnera à s’arrêter devant chaque document pour en faire une lecture personnelle si l’on est un tant soit peu au courant des grandes lignes de cette époque. L’historien relèvera que n’apparaît pas le slogan du Front populaire, à savoir « Pain, paix, liberté ». Ce mot d’ordre avait d’ailleurs inspiré un poème à Gaston Delavière, employé à l’hôpital de Tours à cette époque.

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Un catalogue d’exposition de cinq euros reprend l’essentiel des thèmes proposés et en plus donne divers textes de personnalités élues ou non. Alain Bergounioux et Frédérick Genevée rappellent que les anniversaires du Front populaire n’ont pas été retenus au titre des commémorations officielles depuis 1986. Il est peut-être prudent de ne pas attendre 2036 pour se replonger dans l’atmosphère du Front populaire, d’autant que certaines réalités de 2016 sont malheureusement en rapport avec bien des événements désagréables vécus en 1936.

Adam Craponne