Avis de Ernest : "Pas de miracle chez les musulmans, y compris dans la conquête d’un empire islamique"
L’ouvrage est sous-titré La conquête arabe et la création d’un empire islamique VIIe et VIIIe siècles, ce qui est déjà bien plus explicite. Le livre était paru en 2015, aux presses de l’université d’Oxford, sous le titre In God’s path : The Arab conquest and the conquest of an Islamic Empire.
En un peu plus de cent ans, entre la mort de Mahomet en 632 et début du califat abbasside en 750, les disciples du prophète ont conquis une bonne part du Proche-Orient, l’Afrique du Nord et l’Espagne. Une des très nombreuses cartes très heureusement proposés montre cela (celle de la page 10), y figure également certaines batailles défaites comme évidemment Poitiers en 732 ou victoire comme en 712 celle du Défilé en Transoxiane mais pas celle de Talas parce qu’elle se déroule, non loin de Boukhara, en 751 (affrontement capital puisqu’il ouvre à l’islamisation de l’actuel Turkestan chinois). En effet Talas est la première grande bataille gagnée par les Abbassides qui viennent en 750 de défaire, lors de la bataille du Grand Zab, les Omeyyades. Au passage, à la page 33, l’auteur précise la distinction que les Chinois faisaient entre barbares cuits 熟蕃 shúfān (sinisés culturellement) et barbares crus 生蕃 shēngfān (souvent nomades et belliqueux).
Je n’ai pas trouvé d’index des cartes, c’est vraiment dommage. Au moment où se clôt la période étudiée, les armées musulmanes ont conquis un espace qui va des Pyrénées à l’Indus ; le territoire soumis était plus grand que l'empire romain dans sa plus grande extension, toutefois les zones désertiques y tenaient une large place.
Les récits des invasions arabes se fondent généralement sur des sources musulmanes, nettement hagiographiques et écrites bien des siècles après les faits. Robert Hoyland ne s’en contente pas et il va chercher des informations dans des textes ce contemporains non arabes à ces conquêtes. L’ouvrage débute en montrant comment l’empire byzantin et l’empire sassanide se sont épuisés en guerre successives avec des incursions bien loin dans le territoire adverse. Par ailleurs l’auteur avance que, lorsque Mahomet voit le jour, nombre d’Arabes sont passés au monothéisme, qu’il soit juif ou chrétien, ajoutons personnellement que la première épouse de Mahomet, à savoir Khadidja, avait un cousin Waraqa ibn Nawfal qui était sinon prêtre nestorien (comme certains le rapportent) mais certainement judéo-nazaréen et on sait combien ce courant religieux influença sur le contenu de l’islam.
La nouvelle religion instaurée par Muhammad et propagée largement par ses successeurs a reçu l’appui de nombreux peuples asservis plus ou moins par l’empire byzantin ou l’empire sassanide, de peuples parfois nomades des steppes, voire de minorités religieuses chrétiennes dans l’empire romain d’Orient et juives dans l’Espagne wisigothique. Ces populations se font des alliés des Arabes pour créer le premier empire islamique, tout en gardant nombre de leurs spécificités culturelles et en se convertissant progressivement ou pas à la religion musulmane.
Il est à noter que les Arméniens résistèrent farouchement mais, par traîtrise, une bonne part de leur noblesse fut massacrée dans une église à laquelle on mit le feu, les femmes de ces seigneurs étant données en butin (pages 198 à 201). Un chapitre est consacré à la culture islamique, pour l’auteur l’influence perse a joué un rôle important ; dans cette partie il montre que les Arabes offraient une religion facilement assimilable par des populations conquises chargées des pré-requis nécessaires.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations