Avis de Adam Craponne : "L’Iran navigue-t-il dans des eaux troubles vers le détroit d’Ormuz"
Le livre est sous-titré Stratégies et enjeux de puissance depuis les années 1970. Pour un ouvrage sur un espace géographique bien précis, on s’attendait à plusieurs cartes et en particulier de géographie historique surtout quand on écrit que, dans la tête des Iraniens d’aujourd’hui, il y a toujours l’espace perse de l’Antiquité (page 33). On n’en trouve qu’une presque en fin d’ouvrage. Non signalée de plus dans la table des matières, il est évident qu’elle avait sa place en début d’ouvrage et non en conclusion ; de plus elle est ridiculement petite et lisible la loupe, ceci parce que l’on n’a pas eu l’intelligence de la mettre dans le sens de la largeur du livre et qu’on l’a mis bêtement entre deux textes. Or il était très important de voir que le sultanat d’Oman a un territoire discontinu en trois parties (de très inégales surfaces) aujourd’hui et même en quatre morceaux jusqu’en 1958 où le port de Gwadar au Balouchistan lui appartenait.
On aurait mieux compris tout de suite que depuis des siècles le sultanat d’Oman (avec une population très majoritairement ibadite, donc plus proche des chiites iraniens que des sunnites arabes) et l’Iran se sont habitués à gérer bilatéralement et pacifiquement la question de la circulation au niveau du détroit d’Ormuz. Les émirats arabes en face de l’Iran n’ont jamais mis leur nez dans cette question. Par contre, un conflit a existé au sujet au milieu du golfe Persique entre ces deux pays ; ces territoires dépendaient de la Perse seulement la colonisation britannique vient bien compliquer les choses. Ajoutons personnellement, aux données historiques fournies, que le navigateur chinois Zhang He, lors de son expédition de 1413-1415, visite la région du détroit d’Ormuz.
Léa Michelis développe trois parties qui comprennent chacune trois chapitres. Celles-ci se nomment : Ormuz dans le golfe Persique au cœur des héritages et des ressources de la puissance iranienne, Ormuz fer de lance de la puissance iranienne un espace catalyseur de menaces, Ormuz outil de coopération pour l’Iran. Elle montre que le régime du Shah et celui des mollahs ont conduit une politique étrangère parfois commune sur divers points touchant à l’intérêt stratégique du détroit qu’elle étudie. Toutefois l’hostilité viscérale entre la République islamique et les USA a amené une certaine évolution de la doctrine navale de l’Iran.
L'auteure fournit un certain nombre d’informations fort pertinentes pour comprendre certains enjeux ; ainsi apprend-on que c’est 90% du pétrole iranien qui part vers l’est et que le gaz naturel est aussi exporté majoritairement vers l’Asie. En conséquence Téhéran n’a aucun intérêt à bloquer le détroit d’Ormuz pour gêner les approvisionnements des USA et de pays européens. Léa Michelis réfléchit aussi aux conséquences du développement économique du Balouchistan ; le problème concernant le nucléaire iranien et les décisions du président américain Trump accroissent les tensions. Comme le remarque l’auteur, l’influence politique de l’Iran sur les pays du Proche-Orient a notablement cru ces dernières vingt années.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations