Avis de Adam Craponne : "702 la Kahena vaincue n’arrête plus les Arabes, 732 Charles Martel vainqueur termine le boulot"
En Tunisie et Algérie, depuis la colonisation, la Kahena est une héroïne nationale et les manuels d’histoire pour les écoles franco-arabes ne manquaient pas de consacrer une page entière à cette femme. Il est vrai qu’elle est la leader du mouvement de résistance des Berbères envers la poussée arabo-musulmane.
Son existence historique est certaine car Ibn Khaldoun (certes historien du XIVe siècle) en s’appuyant sur des textes anciens lui donne une célèbre consistance. Ceci ne veut pas dire qu’un certain flou n’existe pas sur ce personnage dont nous est resté le surnom, Kahena signifiant "prophétesse". La plus grande énigme, qui ne sera jamais résolue, est sa religion ; trois hypothèses se défendent, avec des arguments tous recevables, elle peut être chrétienne, juive ou animiste. Selon Ibn-Khaldoun sa tribu était juive.
Du point de vue mémoriel, la Kahena est présente dans l’amphithéâtre d’El Djem (au centre de la Tunisie) à la fois site de son quartier général et endroit où elle subit, avec ses combattants, un siège. Mais contrairement à ce que disent les guides locaux les destructions militaires que subit l’édifice ne datent pas des armées arabes de son époque. En fait ce sont les soldats de Mohammed Bey (qui règne de 1855 à 1859) qui les réalisent afin de capturer des révoltés locaux contre sa politique fiscale.
Des légendes autour de la présence en ces lieux de notre personnage existent. Ainsi l’historien du XIe siècle El Bekri écrit:
«On raconte que la Kahena se voyant assiégée dans cette forteresse fit creuser dans le roc un passage souterrain qui conduisait à Sallacta (au bord de la mer, à 30 km d’El Djem) et qui était assez large pour laisser passer plusieurs cavaliers de front. Par cette voie, elle faisait apporter des vivres et tout ce dont elle avait besoin.»
Par ailleurs le Puits de la Kahena (Bir El Kahéna) est un endroit situé à Bir El Atar dans l’est algérien où la Kahena prit la fuite et fut tuée par les Arabes, son corps étant jeté dans un puits selon l’historien arabe En-Noueïri.
Trois expéditions sont nécessaires pour que les Arabes prennent provisoirement possession d’une province d’Afrique rattachée officiellement à l’Empire byzantin mais en fait largement aux mains de princes berbères. La première expédition est lancée en 647, la seconde en 661 et la troisième en 670. Ibn Nafi fonde la ville de Kairouan en 670 mais Oqba Ibn Nafi (connu aussi comme Uqba) meurt en 683 près de Biskra avec trois cents cavaliers lors d'une embuscade tendue par les Berbères et les Byzantins. Il s’agissait en particulier de venger les humiliations qu’Oqba Ibn Nafi avait ordonné sur le chef berbère Koceila.
Les Arabes évacuent alors toute la partie de la province (y compris Kairouan) et selon Ibn Abî Zayd Al-Qayrawânî (922-996), et à la mort de Koceila en 686 (l’auteure parle de 688) les Berbères d’Ifrikiya reconnaissent l’autorité d’une femme Dihia ou Damïa, reine à la mort de son père Tabet ou Tabeta roi des Djeraoua (Zenètes) de l’Aurès. Cette femme a trois fils, héritiers du commandement de la tribu et elle gouvernait par leur intermédiaire ; ces trois fils se nomment Yazdigan, Yezdia et Siline.
Sa prétendue faculté de divination lui fit donner par les Arabes, le surnom d’El-Kahéna, soit la devineresse. En 695, le calife réunit une armée de quarante mille hommes qu’il confie le commandement à Hassan-Ibn-Numan. Ce dernier est vaincu lors de la Bataille des chameaux en 695, entre Tebessa et Aïn Beïda dans la région constantinoise. Au début de la journée, l’avant-garde berbère, commandée par un ancien général de Koceila, obtint les premiers succès et, après une lutte acharnée, les Arabes furent enfoncés de toutes parts sont mis en pleine déroute.
À partir de 698 la conquête de l’exarchat de Carthage se fait dans un mouvement assuré et irrémédiable battant successivement les armées byzantines et les révoltés berbères. Hassan-Ibn-Numan marche contre les forces commandées par la Kahena et cette dernière meurt en 700 selon notre auteure mais en 702 d’après toutes les sources universitaires. Avec ou sans Koceila notre personnage aura lutté contre les Arabes pendant plus de vingt ans. L’auteure ne le dit pas mais les Arabes arrivent à Gibraltar en 711 et prennent Narbonne huit ans plus tard, on sait qu’en 732 Charles Martel a stoppé l’expansion arabe à Poitiers.
On regrette d’ailleurs qu’au cours du récit (pages 19 à 136) il y ait aussi peu de précisions de dates ; certes pages 207 à 208 il y a une chronologie mais au lieu de jouer un rôle d’aide-mémoire elle apporte des dates qui ne sont pas dans le corps du texte. Cet ouvrage est composé de plusieurs parties : avant-propos, prologue, arbre généalogique de la Kahena (ascendants et descendants) et personnages entourant l’héroïne, histoire de la Kahena, approche thématique du personnage, quelques Berbères illustres avant le VIIe siècle, histoire et culture du peuple berbère, chronologie avec dates de 647 à 700.
Pour tous publics Peu d'illustrations
http://www.lematindz.net/news/23421-les-langues-amazighes-en-voie-de-disparition-i.html
http://kabylie-news.observalgerie.com/actualite/culture/5-femmes-amazighskabyles-qui-ont-marque-lhistoire/
http://www.webdo.tn/2017/02/22/plus-anciens-sites-amazighs-de-tunisie-ksar-el-khirba-coeur-pays-berbere/
http://www.webdo.tn/2019/08/13/une-icone-de-lhistoire-maghrebine-le-dernier-combat-de-kahena/