Avis de Patricia : "Découvrir une vie hallucinatoire dans une Russie en période transitoire"
Rares sont les textes bilingues russes-français en matière de roman et il faut saluer cette initiative qui choisit en plus de s’appuyer sur un ouvrage qui fait partie du patrimoine littéraire russe. Ici quelques notes permettent de préciser le sens exact de quelques mots ou expressions appartenant à un lexique peu usité aujourd’hui. Sa première publication s’est faite dans la presse en 1873, en l’occurrence dans les feuilles du Monde russe. En français, ce récit a déjà été adapté depuis 1892 avec des titres divers comme Le Pèlerin enchanté ou Le Vagabond ensorcelé.
L’action rappelle que le servage n’a été aboli qu’après la défaite des armées du tsar dans la Guerre de Crimée puisque le héros est né serf dans la région d’Orel (à un peu moins de 400 km au sud-est de Moscou) qui a appartenu au grand-duché de Lituanie jusqu’au milieu du XVIe siècle et est maintenant en Russie mais proche de la frontière avec l’Ukraine. Ce dernier a été également militaire utilisant ses connaissances acquises comme dresseur de chevaux et est devenu finalement moine. Sa nature colossale renvoie à des personnages propres à la culture grand slave. « Son extérieur rappelait le héros naïf et débonnaire des légendes russes, le vieil Ilia Mouromets, tel que celui-ci figure dans le beau tableau de Verechtaganine et dans le poème du comte A.-K. Tolstoï » (page 13).
Suite à un combat de lutte à la loyale contre un Tatar, il est accusé de son meurtre par la police russe (page 136) et c'est auprès d’un premier puis d’un second khan qu’il trouve refuge pendant une dizaine d’années. Il s’occupe là des chevaux et joue les herboristes lorsqu’un nomade est malade ; il se voit marié à plusieurs femmes. Il fréquente également une femme tsigane avant d’arriver dans un monastère.En tant que fidèle de l’Église orthodoxe, il s'étonne de certaines coutumes liées à l'islam et au paganisme.
Le lecteur rencontre le héros Ivan Severianovitch Fliaguine sur bateau qui traverse le lac Lagoda qui est situé entre la capitale Saint-Pétersbourg et les premiers villages d’un grand-duché de Finlande (tombé dans l’escarcelle des tsars en 1809) qui s’étend alors bien plus au sud que l’actuelle république de Finlande. Le personnage principal de rend alors aux îles Solovetzki en Mer Blanche pour voir les tombeaux de Savvatii et Zosine situées dans un monastère fondé en 1429 et bombardé par les Anglais lors de la Guerre de Crimée.
Le goût immodéré du clergé pour la boisson ne manque pas d’être mis en exergue à quelques reprises comme ici :
« Eh! dans notre village, on s'apprête en ce moment a célébrer la Nativité: on plume des oies et des canards, on tue des cochons, on cuit du chtchi bien gras, bien onctueux. Accompagne des sacristains et des séminaristes, le père Ilia, notre desservant, un bon, un excellent petit vieillard, ira bientôt chanter des noëls chez ses paroissiens. Tout le clergé sera gris, le père Ilia lui-même ne sait pas porter la boisson: chez le seigneur, le majordome lui offrira un petit verre ; l'intendant, à son tour, le régalera. Au sortir de la, le père Ilia aura déjà beaucoup de peine à se tenir sur ses jambes. Dans la première maison du village il boira bien encore un peu d'eau-de-vie, mais à partir de ce moment il aura son compte et, partout ou il ira ensuite, il versera le contenu de son verre dans une bouteille qu'il porte sous sa chasuble ».
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