Avis de Xirong : "De la fin de la natte au Parti communiste chinois dans ses pénates"
On commence par nous expliquer l’enchaînement mal connu des évènements qui entraînent la chute de la dynastie Qing qui gouvernait la Chine depuis le milieu du XVIIe siècle. L’action du régent, en l’occurrence le père du dernier empereur Puyi est pour beaucoup dans l’agrégation de mécontents han face au monopole mandchou des nouvelles responsabilités distribuées. Toutefois ce n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’auteur écrit que « la révolution de 1911 ressemble davantage à un cancer foudroyant qui a disséminé en quelques jours ses métastases au moyen du télégraphe » (page 30). De caractère multipolaire, cette rébellion, pour une fois dans l’histoire du pays, très largement urbaine se fait envers des souverains étrangers à l’ethnie largement dominante, fait finalement très peu de morts de chaque côté mais les lendemains en sont d’autant plus difficiles.
Par ailleurs le Guomintang de Sun Yat-sen qui est majoritaire aux premières élections législatives de Chine se divise et nombre de ses membres cèdent à la tentation de la corruption. Cette dernière est destinée à assurer la totalité des pouvoirs à Yuan Shikai qui passe de président de la République de 1912 à la mi-décembre 1915 au rôle d’empereur pour trois mois puisqu’il décède le 22 mars 1916.
Comment d’une Chine des seigneurs de la guerre arrive-t-on à une stabilisation du pays sous la houlette du Guomintang et de son leader Chiang Kaï-shek (ou Jiang Jieshi) ? Le sentiment nationaliste se renforce après les décisions prises au Traité de Versailles de céder le territoire entourant Qingdao, autrefois allemand, au Japon. Jusqu’à l’invasion du pays et même durant le conflit sino-japonais qui démarre en 1937, l’influence du Parti communiste chinois est fortement réduite à la baisse par notre auteur.
La sortie de la guerre aurait pu être bien plus triomphante pour les nationalistes que pour les communistes si les premiers n’avaient accumulé les maladresses et si la corruption n’avait pas miné l’ensemble de l’administration du pays. Le repli militaire sur Taiwan est une réussite stratégique, quasiment une glorieuse retraite, toutefois la population locale de l’île est mise sous tutelle et nous rappellerons personnellement qu’à ses yeux elle passe du joug des chiens (les Japonais) à celui des cochons (comme certains murs l’expliquent en 1947).
Le grand intérêt de l’ouvrage est qu’il ne se contente pas comme bien d’autres de faire une histoire militaire de la République de Chine. En effet l’auteur réfléchit longuement sur les nombreux changements qui ont bouleversé la Chine pendant la période où le Guomintang la gouvernait. Notons qu’un certain nombre d’idées, comme le développement en premier des zones côtières, fut repris pour les réformes de Deng Xiaoping.
On apprécie grandement tant l’index (où se côtoient des noms de personnes avec en plus leur nom en idéogramme), la trentaine de photos d’époque (dont une coupe de natte et une bibliothèque de rue adossée à un mur où est écrit « À bas le Japon ! »), la douzaine de cartes de géographie historique et le contenu des annexes (avec en particulier l’arbre généalogique qui permet de voir le lien entre Sun Yat-sen et Chiang Kai-shek). Bref ce livre sera sous peu dans toutes les bibliographies données aux étudiants francophones en langue chinoise.
Voici la table des matières:
Remerciements
Introduction
Chapitre 1 : La révolution de 1911
L’étincelle de Wuhan
La chute atypique de la dernière dynastie
1912, année de tous les possibles
Les années Yuan Shikai (1913‑1916)
Le contexte international et l’influence de la guerre européenne
La chute de Yuan Shikai
Chapitre 2 : Cliques et seigneurs de la guerre (1916‑1928)
La rivalité des grandes cliques de Chine du Nord pour le contrôle du gouvernement
Qui sont les seigneurs de la guerre ?
Contexte diplomatique, mouvement du 4 mai 1919 et montée du nationalisme
La décennie de Canton : l’essor du Guomindang (1917‑1926)
1925 : la mort de Sun Yat-sen et ses suites, le mouvement du 30 mai
L’expédition du Nord
Chapitre 3 : La décennie de Nankin (1928‑1937)
1928‑1932 : Des anciens alliés encombrants
Le temps de la stabilisation : 1932‑1935
L’œuvre du Guomindang
Quand point la menace japonaise
Des seigneurs de la guerre en perte de vitesse
La marginalisation réussie du Parti communiste chinois
Vers la guerre sino-japonaise : 1935‑1937
Chapitre 4 : La guerre contre le Japon (1937‑1945)
La guerre de mouvement : 1937‑1939
La guerre de position (1940‑1944)
1944‑1945 : retour à la guerre de mouvement
Chapitre 5 : La guerre civile (1945‑1949)
Une donne très favorable au Guomindang
La sortie de guerre : 1945‑1946
Le temps des militaires : 1946‑1949
La sclérose du Guomindang
La politique du PCC
Une troisième force introuvable
Le repli sur Taiwan, une victoire du Guomindang ?
Chapitre 6 : Tableau de bord de l’économie chinoise
La Chine dans la conjoncture internationale
Le système financier et monétaire
Le secteur primaire
Le secteur secondaire
Le secteur des services
Les effets de la guerre de 1937‑1945 et de la guerre civile
Chapitre 7 : La construction de l’État
La culture politique
Le Guomindang et le modèle du parti-État après 1928
L’extension du périmètre de l’État, tendance de fond
La question du rapport entre État et élites locales
Pluralité des trajectoires de construction de l’État
Chapitre 8 : Les transformations de la société
La population
Les groupes sociaux
Niveaux et modes de vie
Chapitre 9 : Le renouveau culturel
La circulation des idées
Le mouvement du 4 mai 1919 et celui de la nouvelle culture (xin wenhua yundong)
Renouveaux religieux
Le rayonnement culturel de la Chine
Conclusion
Repères chronologiques
Annexes
Bibliographie
Table des illustrations
Table des cartes
Index
Cahier des cartes
coup de coeur !
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations
https://focustaiwan.tw/culture/202006200012