Avis de Xirong : "Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On attend. Oui, mais en attendant ? (En attendant Godot)"
En matière de BD produites par des auteurs taïwanais, et traduites en français, on a connu d’abord Chih-Chung Tsai durant toutes les années 1990 chez Carthame. Cet auteur a mis de très nombreux classiques de la pensée chinoise en album de bande dessinée. Plus récemment les ouvrages de Li-Chin Lin, en 2011 et 2017, avait permis d’approcher la vie à Formose dans les années 1980 et la vie des populations indigènes (de même physique que les Austronésiens). On a pu également se procurer Seediq Bale par Row-long Chiu et Mes années 80 par Sean Chuang. Pour en savoir plus, on se reportera à https://www.youtube.com/watch?v=sJgVV8AxJR8, https://lettresdetaiwan.com/2014/01/30/la-bd-taiwanaise-deboule-a-angouleme/, https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=62&post=169693,https://www.actuabd.com/Taiwan-la-bande-dessinee-vitale et https://www.youtube.com/watch?v=IrIEKMBn728.
En 2021 sortiront des BD d’au moins six auteurs taiwanais, à savoir Des assassins de Chen UEN, Ichthyophobia de Lung-Chieh LI, Toi et Mo de Pam Pam Liu, Road to Nowhere, 2 par Pao-Yen, un nouvel ouvrage de Li-Chin LIN, et donc Somnolences de Pei-Hsiu CHEN.
Ce dernier titre propose dix récits qui dépeignent la vie urbaine d’une jeune fille, il s’agit presque d’une autobiographie car l’auteure adapte des évènements qui lui sont arrivés, en ajoutant certes quelques péripéties qui permettent de pimenter le récit ou d’évoquer certains lieux significatifs pour l’histoire récente de cette île de culture chinoise.
L’auteure est née en 1986 et sur la question de la prohibition du taïwanais sous la loi martiale (donc jusqu’à la fin des années 1980), elle simplifie les choses, faute de les avoir vécues. En effet, l’interdiction de l’usage de cette langue distincte du mandarin (et proche de dialectes de la province du Fujian) n’était pas stricte. J’ai connu un sous-officier de réserve qui me disait parler taïwanais avec les soldats au milieu des années 1970. Dans son récit, elle reconnaît d’ailleurs que les anciennes générations parlent mieux le taïwanais que les nouvelles. Rappelons que ce dernier est la langue maternelle d’environ les deux-tiers de la population, le reste de la population étant soit également bilingue (avec le mandarin plus le hakka ou une langue autochtone) soit ne parlant que le chinois en usage à Pékin et Nankin (ne comportant pas du tout les mêmes sons que le taïwanais ou que le hakka).
Pour qui a connu Taïwan, il y a une génération, on est surpris par le changement de mentalité. Au début du mandat de Lee Teng-Hui, on en était encore à la puissance de la belle-mère (avec des interventions dans la vie quotidienne du jeune couple) et avec des familles qui comptaient souvent quatre enfants et jusqu’en 1960 le taux de fécondité était de 6,1 enfants par femme. Aujourd’hui le taux de natalité à Formose est de 1,2 enfants par femme, ce qui en fait le plus bas de tous les pays. Le coût des garderies pour enfants et la dimension modeste des mesures sociales pour permettre à une mère d’élever sans travailler un jeune enfant n’explique pas tout. Contrairement à il y a encore trente ans, presque toutes les femmes travaillent à notre époque dans ce pays et vu le coût de la vie, pour une mère s'arrêter de travailler est plus que difficile à envisager.
Parallèlement le nombre de personnes âgées augmente et un des récits proposés évoque les derniers jours de la grand-mère de la narratrice. Au passage, on dit là un mot sur la population immigrée qui accompagne les dernières années des plus anciens ; il y a quelques dizaines d’années, c’est en famille que la personne âgée aurait fini ses jours.
Un autre thème assez largement traité est la difficulté de communication entre jeune homme et jeune femme. On remarque, dans ces récits d’avant l’arrivée du corinavirus, une présence important de masques qui s’explique par un souci d’éviter de respirer des particules fines, voir d’attraper des maladies bénignes. Taïwan restera plus ou moins sous les feux de l’actualité pendant les années qui viennent ; la qualité de l’illustration permet une bonne approche des paysages urbains de l’île, d’ailleurs globalement assez gris. Notons qu’un récit se déroule partiellement dans la province chinoise du Qinghai, frontalière du Tibet.
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations
https://asialyst.com/fr/2021/04/01/troisieme-guerre-moindiale-eclater-taiwan/
https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=59&post=197608