Avis de La Chaumiere des Mots : "Plus jamais ça !"
1960 : naissance de Nuage Rose
1964 : Évacuation de Hanoï – Exode des trois Nuages
1965 : Lueur d’espoir dans la nuit… Apparition providentielle.
1972 : Décembre : bombardements particulièrement meurtriers de Hanoï et des villes alentour par les B52 américains ; les accords de Paris (janvier 1973) y mettront fin.
Son père (« Bô » dans le livre) est rentré « au pays » après avoir terminé ses études de médecine, alors que sa famille, exilée, est restée en France. Sa mère (« Me » dans le livre) travaille pour une administration. Nuage Rose a deux sœurs : Nuage Doré, l’aînée a 12 ans, Nuage Bleu a 10 ans.
Cette autobiographie commence quand Nuage Rose a 4 ans, en 1964. L’évacuation d’Hanoï est ordonnée, l’armée américaine bombardant le pays. Va alors commencer pour les trois enfants un exode qui durera jusqu’en 1975.
Ce sont ces années que l’auteur nous raconte, telles qu’elle se les rappelle, avec sa vision de petite fille. Elle l’avoue elle-même : « les dates et certains faits ne correspondent probablement pas strictement à ce qui s’est réellement passé, mais cela reflète la réalité telle que l’a vécue et ressentie la petite fille que j’étais… »
Effectivement, tout au long de la lecture, on ne peut s’empêcher de penser que son récit n’est que la partie émergée de l’iceberg, qu’en réalité les choses étaient bien pires ; mais on sait que l’inconscient a tendance à faire oublier le pire pour ne laisser surgir que l’acceptable… Ainsi Nuage Doré, l’aînée, a effacé de son esprit tous ses souvenirs liés à la guerre pour ne conserver que celui de l’amour reçu, tandis que la mère ne gardera que l’image de Nuage Rose en pleurs alors qu’elle est contrainte de l’abandonner.
Nuage Rose vénère son père et son grand-père. Ce dernier se chargera des trois petites durant de longues années et leur enseignera avec autorité mais gentillesse, les valeurs fondamentales qu’un être humain doit connaître. Bô, malgré la guerre et les conditions difficiles dans lesquelles il devra exercer son sacerdoce de médecin, trouvera toujours le temps de s’occuper de ses filles lorsqu’elles auront la chance d’être avec lui. Si la cadette écrit peu sur sa mère, c’est qu’en réalité, durant toutes les années de leur exode, elle ne la verra que très très peu et toujours pour de courts moments.
L’auteur nous parle, en filigrane, de respect filial, d’amour, de fierté. Par son récit du quotidien, elle nous fait entrer dans le monde mystérieux, pour nous les Occidentaux, des pays asiatiques. Elle nous décrira, parfois avec les mots vietnamiens, les traditions, les aliments composants les repas (bien pauvres…) mais toujours reçus avec reconnaissance, car cela « pourrait être pire » !, les excipients utilisés pour parer à la pénurie de tout : matériel, vêtement, produit d’hygiène, nourriture, médicaments… une occupation à plein temps dans un pays où il n’y a plus rien.
On a beaucoup parlé des soldats américains rentrant du Viêt Nam, des horreurs qu’ils avaient vécues. Beaucoup moins évoquée a été la vie des Vietnamiens durant cette période.
Ce roman est particulièrement bien construit, entraînant le lecteur tour à tour dans des vagues d’horreur, de chagrin, mais aussi d’émotion et de rire. La douceur avec laquelle l’auteur s’exprime le rend d’autant plus poignant, tout comme les dessins réalisés par « Bô » en 2008 qui expliquent et complètent le texte. Enfin, les photos font que les personnages du livre nous deviennent presque familiers.
Ce livre ne doit pas rester confidentiel, il doit être lu afin qu’on n’oublie pas que dans une guerre, il y a des soldats, mais aussi des habitants meurtris, quel que soit le pays où elle se déroule.
Pour tous publics Quelques illustrations
Note globale :
Par La Chaumiere des Mots - 5 avis déposés - lectrice régulière
dimanche 31 janvier 2016