Avis de Xirong : "La Guerre est l'industrie nationale de Rome"
Notre titre fait allusion à ce qu’écrivait en 1788 Mirabeau : « la Guerre est l'industrie nationale de la Prusse ». L’ouvrage commence par une chronologie allant de la fondation de Rome (en moins 753 selon la tradition) à l’année 476 où Odoacre renvoie à Constantinople les ornements impériaux. Pour chacune des périodes dégagées sont pointés les conflits dans lesquels Carthage est engagée. Ces pages sont suivis d’une douzaine de cartes géographiques de bonne taille et par ailleurs on bénéficie en fin de livre de deux index ; l’un porte sur les noms propres et l’autre de noms communs (comme "phalange", "bataille d’extermination" ou "cohorte prétorienne").
L’auteur confirme ce que laissait entendre l’ouvrage La Première Guerre punique ou la conquête romaine de la Sicile de Christophe Burgeon c’est devant le port de Myles (aujourd’hui Milazzo) que Rome livre sa première grande bataille navale. On doit à l’amiral Duilius l’invention du « célèbre "corbeau", le corvus. On donne ce nom à un pont mobile placé à l’avant du navire ; il était retenu par une corde qui s’enroulait autour d’une polie fixée au sommet d’un mât. Il permettait éventuellement, si on lui imprime un mouvement horizontal, de droite à gauche, d’arracher les gréements du bateau ennemi qui, immobilisé, pouvait être détruit par un coup d’éperon ; ou bien ce pont aidait les combattants à passer sur le navire punique ainsi immobilisé. Une fois arrivés là, les soldats de marine se livraient à une escrime individuelle. » (page 116)
On dispose d’un index des noms communs (comme "bagaudes", "solde", "stratagèmes" ou "archers") et des noms propres (j’ai noté toutefois des oublis de renvois en particulier pour les Juifs). On apprécie également beaucoup que trois croquis nous expliquent également le fonctionnement du "corbeau". En effet l’auteur propose près de soixante documents iconographiques qui permettent en particulier de rendre compte de la situation géographique d’un lieu où s’est déroulé une bataille ou des phases d’une bataille ; c’est le cas d’ailleurs avec Muthul où Jugurtha affronte Marius et Metellus en 108 avant Jésus-Christ. Il est dommage que n’ait pas été précisé que le lieu est vraisemblablement au nord du Kef, ville aujourd’hui tunisienne non loin de la frontière algérienne.
Cette carte n'est pas dans le livre
L’auteur ne se contente pas d’évoquer les causes, le déroulement et les conséquences d’un conflit mais il aborde tant la question de l’évolution de l’armement (Marius perfectionne le pilum avec un dispositif qui empêche l’adversaire de relancer ce dernier) et la conscription. On retiendra que, contrairement aux armées modernes, à Rome les prolétaires n’étaient pas mobilisés et que ceux qui payaient le plus d’impôt étaient en première ligne (pages 63-64).
On peut relever par ailleurs ce passage, ayant trait aux années 60 avant Jésus-Christ :
« Restait pourtant le problème juif. Pompée s’aperçut que ces ennemis ne se battaient pas le samedi (sabbat). Il décida donc de n’attaquer que ce jour-là. Finalement les légionnaires pénétrèrent dans Jérusalem et ils prirent d’assaut le Temple, tuant 13 000 combattants. (les Juifs ne lui pardonnèrent pas ce sacrilège, plus grave à leurs yeux que les massacres commis ». (pages 233-234)
et ce dernier qui évoquant la Palestine vers 135 après Jésus-Christ, fait penser à des méthodes qu’on qualifierait à tort ou à raison dans certains milieux de "génocidaires" :
« Chez les Juifs, des centaines de bourgs furent ruinés et les morts se comptèrent par dizaine de milliers (180 000 d’après Dio Cassius). Ce conflit présente un autre intérêt pour l’histoire militaire : il confirme que les Romains savaient réduire une insurrection. Dans ce cas, ils tuaient tout ce qui vit et ils incendiaient le reste ; ils pratiquaient la terreur comme contre-insurrection ». (page 428)
Pour connaisseurs Quelques illustrations
Afrique sous le Haut-Empire menée contre les Gétules. Voir Catherine Wolff. " La guerre de Tacfarinas (17-24)". In M. Coltelloni-Trannoy; Y. Le Bohec. La guerre dans l’Afrique romaine sous le Haut-Empire. CTHS Histoire, 2014. p.53-67.
https://www.culture-islam.fr/contrees/maghreb/tacite-annales-insurrection-berbere-de-tacfarinas-17-24-n-e-v-110-n-e