Avis de Patricia : "Un des plus anciens classiques de la littérature mondiale"
Dans les années 1980, Ramsay Wood publie ses premières adaptations des fables en prose tirées du Pañchatantra, un recueil dont la compilation est traditionnellement attribuée, pour une époque à la charnière du IIIe et IVe siècle, à Vishnusharman un brahame du Cachemire. Ce texte a donné une version persane puis arabe intitulée Le Livre de Kalîla et Dimna ; on doit cette dernière à Abdallah Ibn al-Muqaffa né en 720 dans le Fars, au sud-ouest des frontières actuelles de l’Iran. Cet ouvrage a été traduit en grec peu après l’an 1000, en arménien au XIIIe siècle et en russe au XVe siècle. Si sa version latine est connue par des nobles français au Moyen Âge, il faut attendre 1644 pour que Gilbert Gaulmin, un natif de Moulins dans le Bourbonnais en donne une première traduction en français sous le titre du Livre des lumières ou la Conduite des Rois, composée par le sage Pilpay Indien, traduite en français par David Sahid, d’Ispahan, ville capitale de Perse.
Jean de La Fontaine rend hommage à cet auteur indien de l'Antiquité puisqu’il écrit : « Il ne m’a pas semblé nécessaire ici de présenter mes raisons ni de mentionner les sources à partir desquelles j’ai tracé mes derniers thèmes. Je dirai, comme dans un élan de gratitude, que j’en dois la plus grande partie à Pilpaï, sage indien. Son livre a été traduit en toutes les langues. Les gens du pays le croient fort ancien, et original à l'égard d'Ésope, si ce n'est Ésope lui-même sous le nom du sage Locman ». Une dizaine de fables de l’écrivain français sont directement inspirées d’un récit tiré du Livre de Kalîla et Dimna.
Roger-Pol Droit écrivait en 2006, lors de la sortie de cette traduction en français de l’adaptation due à Ramsay Wood, que « Sans frontière linguistique ni culturelle, ces fables ignorent aussi celles du temps. Au sein du recueil, les paradoxes temporels abondent. Des lettres très antiques, enfermées dans une série de coffres par le roi Houschenk autrefois, s'adressent aux souverains de l'avenir. Elles renferment des conseils dont le sens ne s'éclaire qu'à mesure, parfois avec un très grand retard ».
Comme dans Les mille et une nuits, il y a un récit cadre et c’est le sage Bidpaï qui conte une série d’aventures au roi indien Dabschelim. Les fables ne démarrent qu’à partir de la page 75, auparavant sont exposées les relations qui ont uni le souverain et son conseiller. Les héros en sont deux chacals nommés Kalîla et Dimna ; ils racontent des histoires dont l’intrigue a pour but de donner des conseils au souverain et le lecteur puise là des règles de conduite. Destiné à l’éducation morale des princes, afin de promouvoir un gouvernement de justice, cet ouvrage vit rapidement son audience élargie. En arrivent en Perse il fut doté d’illustrations, que l’on peut apprécier ici sous le crayon de Margaret Kilrenny, une artiste contemporaine.
L’univers dépeint est celui des animaux. Chaque fable compte de deux à une petite dizaine de pages ; elle se termine par une morale plus ou moins explicite. Le récit est à tiroirs ainsi "La tortue Piapia et les oies" propose d’abord une histoire de demande de réparation d’un préjudice qui se conclut d’ailleurs par « Jamais plus, après cette aventure, dame Bécasseau ne mit en doute la parole de son époux » (page 208). Ce récit est raconté au buffle afin de l’aider à régler un différent avec le lion, roi des animaux.
Ramsay Wood a choisi de mettre, en regard de quelques illustrations ou en dessous de plusieurs titres de la fable, une citation d’un auteur européen. Mark Twain est présent avec « N’essayez pas d’apprendre à chanter à un cochon : vous perdriez votre temps et ça mettrait le cochon de mauvaise humeur ». On trouve également une phrase de Lamartine : « Les mêmes souffrances unissent mille fois plus que les mêmes joies ».
coup de coeur !Pour tous publics Quelques illustrations