Avis de Zaynab : "Cours Suzie, Marie Curie est derrière toi"
Dans le premier tome, l’auteure nous présente Suzie qui a seize ans, Marguerite est sa jeune sœur. Elle est fille d’un pharmacien parisien Alfred et petite-fille d’un fermier par son père et de commerçants d’Angoulême par sa mère Lucie. En vacances en Charente, elle voit le 107e RI d’Angoulême partir à la guerre en août 1914. Restée à Angoulême jusqu’à la fin de l’été 1915, elle fait son devoir patriotique en soignant un soldat noir blessé, placé chez sa grand-mère faute de place à l’hôpital.
La condition féminine qui est bouleversée par une guerre qui s’éternise est bien mise en avant, et sa mère Lucie n’a pas de signature jugée commercialement valable pour tenir le livre de comptes de la pharmacie dont son mari est propriétaire. Ce dernier envoie une lettre censurée du fait qu’il mentionne qu’il est devenu chirurgien et que les blessés affluent en nombre exponentiel dans des locaux pas toujours adaptés à les recevoir. Elle assiste à un vol dans un magasin, le voleur offre une des chaussures dérobées à un mutilé unijambiste avant de s’enfuir.
De retour à Paris, elle retrouve le jeune homme en question et en tombe amoureuse car celui-ci n’a commis cet acte que pour apporter du réconfort à des mutilés. Ce dernier Armand voit ses trois frères périr au front. Suzie reçoit une proposition de mariage d'un autre (qui ne lui plaît pas) et elle s’offre à Armand peu de temps avant qu’il ne parte au front. Nous sommes alors à la fin de l’été 1916 et le premier tome se clôt à cette période.
Le second tome de "Suzie la rebelle" s’appelle "Le mystère Marie Curie", rappelons que cette dernière est durant le conflit à l’origine de l’organisation d’une unité de camionnettes de radiologie. Ces dernières sont surnommées les “petites Curie“, elles se rendant dans les ambulances situées près du front afin d’aider à la localisation des projectiles à l’origine des blessures. Marie Curie encourage également à l’utilisation d’ampoule de radon pour favoriser la cicatrisation de ces mêmes blessures.
Dans la période où Georges Clemenceau est au pouvoir, la chasse aux traîtres est destinée à dynamiser une opinion bien lassée par déjà plus de trois années de guerre et Marie Curie (par ailleurs d’origine polonaise) est soupçonnée. Suzie en la protégeant va en apprendre plus sur Marie Curie (qui correspond avec Einstein et qui est très proche de Langevin) et rencontrer Hélène Brion (page 223), institutrice vivant à Pantin qui se voit intenté un procès (que l’on suit) pour son pacifisme. On se rappelle que dans une BD cette dernière jouait un rôle important; il s'agit d' "Un long destin de sang".
Jean de Petitpré, l’homme qu’a éconduit Suzy travaille maintenant au ministère de la Guerre pour le service automobile et elle va recroiser son chemin dans des circonstances désagréables. Le second tome se termine avec les retrouvailles d’Armand, Suzie le découvre devenu aveugle. Le retour du front s’était fait bien avant pour lui mais il choisit de rencontrer celle qu’il aime à un moment qui coïncide à peu près avec la signature de l’Armistice. D’intéressantes pages documentaires sont proposées à la fin de ce volume sur Irène et Marie Curie et les mouvements pacifistes et des personnalités féministes de l’époque.
Le dernier volume "L’espion russe" voit Pierre Henry (directeur du "Crapouillot de l’arrière") offrir une place de journaliste à Armand. Nous suivons les deux personnages principaux dans des aventures qui nous permettent d’en apprendre plus sur les Années folles (avec la manifestation dans la mode féminine d’une certaine volonté d’émancipation), les conditions de négociation et de signature du Traité de Versailles, les enjeux autour de découvertes scientifiques et l’action des services secrets soviétiques à l’étranger.
Ce sont trois volumes d’environ 270 pages chacun, toutefois les caractères d’imprimerie sont assez gros et des blancs séparent la quinzaine de chapitres, si bien que le volume de texte n’est pas aussi important que l’on pourrait croire. On trouve rarement une fiction qui porte aussi habillement un discours historique, ce plus ce dernier met en exergue des faits de façon rigoureusement précise et l’historien n’a strictement rien à faire d’autre que de se féliciter de l’apport de connaissances possible grâce à cette fiction.
Cette trilogie convient parfaitement à un lectorat de quatorze à dix-huit ans et gagnerait une place de choix dans de nombreux CDI de collèges et lycées. "Le Petit Cœur rouge" pourra servir de complément à la lecture de cette série, car il approche bien l’univers des tranchées, ce qui n’est pas le cas avec "Suzie la rebelle".
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