La Terre est bleue comme une orange

Il s’agit là d’une anthologie de poèmes de résistance, d’amour et d’espérance, comme l’indique Paul Éluard. L’ouvrage est magnifiquement illustré par Laurent Corvaisier qui a déjà donné plusieurs images de textes chez l’éditeur Rue du monde. On se rappelle en particulier de Missak Manouchian, l’enfant de l’Affiche rouge et de Il y a (où il illustrait un poème d'Apollinaire écrit sur le front durant la Première Guerre mondiale). L'illustration renvoie quelque peu au style de Gauguin. Elle est une fois de plus très suggestive; elle ne se contente pas de coller au texte, elle l'interprète dans un sens assez onirique. Ce livre convient à un lectorat d'élèves du secondaire et à des adultes.

Alain Serres assure sur une double-page une présentation générale du style poétique de Paul Éluard. Si une photo de ce dernier, à l’âge de quinze ans, est bien intéressante, il est regrettable qu’aucun élément biographique ne soit fourni sur lui. Né en 1895 à Saint-Denis, il décède à 56 ans. Engagé dans le mouvement Dada puis dans le surréalisme, il prend parfois des positions engagées en particulier contre les agissements d’Hitler et pour le défense de la République espagnole. Ses premiers poèmes, autour de l’idée de Résistance face à l’Occupation allemande, paraissent dans la clandestinité, dès 1941.  Son poème Liberté, publié dans le premier numéro de la revue Choix, circule sous le manteau et sont parachutés par l’aviation britannique à des milliers d'exemplaires au-dessus de la France. On le trouve ici dans la sixième division de ce livre.

Les poèmes présentés ici sont regroupés en sept ensembles : La vie, La guerre, Résister, La paix, L’amour, Un monde à changer, L’espérance. Le célèbre poème La Terre est bleue comme une orange  est glissé dans la première partie; on est là face à un poème d'amour où la femme est associée à la terre. Ce poème est publié en 1929, alors que de film et l'album l'albumTintin et les oranges bleus datent respectivement de 1964 et 1965. Ici le poème côtoie là nombre de textes évoquant un animal. Dans le troisième ensemble, le premier poème Courage dépeint l’atmosphère citadine sous l’Occupation. En effet il commence ainsi : « Paris a froid, Paris a faim ». Un poème est dédié au travail clandestin des imprimeurs. Il se clôt d’ailleurs de cette façon : « Nous attendions un grand printemps, Nous attendions la vie parfaite, Et que la clarté se décide, À porter tout le poids du monde ».  Le dernier poème est intitulé  Dit des trieuses, il débute ainsi : « Y-a-t-il une justice, Il n’y a pas de justice, Il pourrait y en avoir une, Si nous la faisions nous-mêmes ».