Avis de Ernest : "Si en sortant de la Chabotterie tu deviens royaliste, en sortant de Fontainebleau deviendras-tu bonapartiste et cuisinier après une visite au musée de la moutarde à Dijon?"
Cet ouvrage, fruit d’un colloque tenu en avril 2015 à l’université de Clermont-Ferrand, commence par une introduction où Laurent Rieutort et Jacques Spindler explique que la définition du terme "tourisme de mémoire" se fait progressivement à partir des années 2 000 et que l’on a du mal à préciser son contenu.
« Le tourisme de mémoire est-il un tourisme lié à l’Histoire et à ses évènements et lieux au sens large ? Renvoie-t-il à un mémoire individuelle et collective, parfois douloureuse, à ses "lieux de mémoire" au sens concret et symbolique, avec leur dimension immatérielle, voire émotionnelle et un certain "esprit des lieux" ». (page 15)
Le tourisme de mémoire n’est donc pas directement lié à un devoir de mémoire qui est porté par la mise en scène d’épisodes traumatiques de l’histoire (en particulier Répression du catharisme, Guerres de Vendée, Massacre des Arméniens, Victimes militaires des Deux Guerres mondiales, la Déportation…). Les choix de patrimonialisation sont variés et le point commun entre tous ces sites est de porter l’identité d’un territoire. Bien entendu dans la mémoire que chacun de ces lieux porte, des étrangers à ce territoire peuvent se reconnaître, soit parce que des membres de leur famille ou l’histoire de leur profession les y incitent soit parce qu’ils sont en accord avec le message qu’ils portent. Cela ne va pas d’ailleurs sans ambiguïté car certains visiteurs peuvent mettent un sens très personnel au parcours présenté voire adhérer sans esprit critique à un discours sous-jacent qu’ils ont très bien capté. Ainsi avons-nous pu lire personnellement sur le livre d’or du Logis de la Chabotterie (en Vendée départementale), dont la muséographie se fit sous la haute surveillance de Philippe de Villiers, cette réflexion d’un visiteur :
« Je suis rentré ici républicain, je suis sorti royaliste ».
Parfois conjointement, Kaouther Abderrezek, Florence Abrioux, Manuelle Aquilina, Manuela Bardet, Sébastien Bédé, Jacinthe Bessière, Juliane Boistel, Rosa Català Marticella, Bernard Cherubini, Dominique Chevalier, José-Pierre Cholvy, Jean Corneloup, Nadine Dantonel-Cor, Bertrand Dongmo Temgoua, Matthieu Dussauge, Nathalie Fabry, Katia Fersing, Jean-Christophe Gay, David Huron, Mariannick Jadé, Florence Lerique, Claire Maheo, Anne-Marie Mamontoff, Jean-Pierre Martinetti, Aurore Mirloup Bonniot, Diana Oliveira, Jean-Luc Pissaloux, Michel Rouger, Albert Santasusagna Riù, Frédéric Spagnoli, Grégory Spieth, Philippe Tanchoux et Sylvain Zeghni proposent une vingtaine de contribution.
L’appel à communications invitait à s’intéresser aux sujets suivants :
« Comment (re)découvre-t-on la « mémoire » liée à tel ou tel patrimoine matériel ou immatériel ? Comment la mémoire concoure-t-elle au processus de patrimonialisation et à la constitution de ressources touristiques matérielles et immatérielles ? Le colloque pourra faire référence aussi bien à des expériences locales françaises qu’à des exemples étrangers. Il devra s’interroger sur ce que nous enseigne en la matière d’autres pays que la France.
Quelles sont les procédures de "mise en tourisme" des mémoire(s), que les acteurs locaux peuvent mettre en place afin d’en tirer le meilleur parti ? On pourra faire référence à toute une série d’opérations allant du label (Maisons des Illustres, par exemple) jusqu’au contrat de destination, en passant par les concours (Destinations Européennes d’Excellence), les mises en réseau (Clusters ou autres techniques de polarisation). Les deux questions essentielles qu’il faudra avoir en tête sont : Quel « périmètre » retenir ? Quelle gouvernance mettre en place ?
Quelles méthodes pour évaluer les impacts du "Tourisme de mémoire"? Le tourisme de mémoire est-il créateur d’un marché, d’opportunités de créations d’entreprises ? Qui s’approprie ces opportunités ? Au-delà de la dimension économique de la question, il conviendra de s’interroger sur la réception du tourisme de mémoire, autrement dit : comment les touristes et les autochtones « reçoivent » la mise en tourisme de telle ou telle mémoire ? Comment cohabitent le tourisme de mémoire et les communautés locales ? À cet égard, il serait intéressant d'accueillir des développements relatifs à la création d'indicateurs qualitatifs pour évaluer les retombées sociales, mais aussi d'incitation à la pratique de visite culturelle.
On retiendra en particulier dans le premier tiers de l’ouvrage intitulé "La (re) découverte des mémoires liées aux patrimoines matériels ou immatériels" les textes traitant de la valorisation de la gastronomie en Bourgogne, de l’ardoise en Anjou, des déclinaisons du tourisme mémoriel en Ariège (histoire, industrie et artisanat, gastronomie, agropastoral) et la littérature catalane (en Catalogne espagnole). On relève entre autre dans "La mise en tourisme des mémoires" qui constitue la deuxième partie les cas du génocide cambodgien, de la Première Guerre mondiale en Nord-Pas-de-Calais, de la présence acadienne en Poitou-Charentes (lieux de départ pour le Canada et lieux de retour après l’annexion de l’Acadie par les Anglais), de l’imaginaire du voyage chez les gitans sédentarisés, des parcours littéraires, de l’esclavage en Guadeloupe. La dernière partie de l’ouvrage se nomme "Le rôle des collectivités territoriales et la pérennité du tourisme de mémoire" ; outre des généralités on a l’étude de cas particuliers à savoir Albertville dans sa dimension olympique, Orléans et ses fêtes de Jeanne d’Arc, le Cameroun et ses funérailles, Meaux et son musée de la Grande Guerre.
Notons que la couverture du livre présente le château de Murol, qui situé au sud du Puy-de-Dôme, a appartenu à la famille d'Estaing au XVIe siècle.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations
http://www.crid1418.org/agenda/?p=474
http://www.lest-eclair.fr/43161/article/2017-10-13/objectif-2020-pour-le-musee-de-la-resistance-de-mussy-sur-seine